Metaclassique #207 – Fusionner

Quand nous tenons une musique pour sublime, nous nous tient nous-mêmes pour subjuguer, pourrions-nous même pousser la jouissance musicale jusqu’à fusionner avec les flux et les reflux de la musique. Là où Kant définissait le sublime comme « ce qui plaît immédiatement par la résistance qu’il oppose à l’intérêt des sens. », est-ce à dire qu’il nous procure un ravissement à nous détourner de nos propres réflexes personnels pour nous mettre en fusion avec une palpitation plus grande et pourquoi pas même cosmique ? Si la question nous transperce ou, a minima, nous interpelle, c’est quand même bien que les lieux communs des idéaux romantiques de l’époque de Kant ont peut-être survécu à l’état de vérité psychologique ou encore d’état de fait neurologique : là où la musique nous fait nous oublier nous-mêmes, arriverait-elle même à nous mettre en prise avec le monde ou, mieux encore, avec quelque chose de son unité ? Pour dessiner jusqu’où le sublime en musique nous met en fusion, jusqu’à rendre incertaine la « frontière entre le moi et le monde extérieur » dont parlait Freud, Metaclassique est en dialogue cette semaine avec l’A2IP – l’association internationale interactions psychanalyses. Installés dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information, nous allons parler « fusion » avec, par ordre d’apparition : Sophie de Mijolla-Mellor, Jean-Michel Vives et Xanthoula Dakovanou.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #206 – Enacter

« Les remous cristallisent des co-incidences. », peut-on lire en quatrième de couverture du livre Gadjo-Migrandt publié en 2014. « Les remous cristallisent des co-incidences. » peut sonner comme un avertissement : attention, des co-incidences vont se cristalliser. Cela peut aussi tenir lieu de programme poétique : faisons des remous, il en ressortira toujours des coïncidences. Essayons d’en faire une méthode d’évocation, avec toute la force de liaison de la poésie est capable et, pendant une heure, remuons les souvenirs jusqu’à ce qu’il en ressorte des coïncidences. Comme le quatrième de couverture de Gadjo-Migrandt dit aussi : « Un acte dans la mémoire. Enact. Reenact. » : voilà donc une coïncidence organisée par Metaclassique avec la complicité de la Bibliothèque La Grange Fleuret : c’est au Salon Mahler que nous accueillons Patrick Beurard-Valdoye pour mieux entrer dans le dédale des lieux, ancrages et pérégrinations qui mettent Gustav Mahler en si bonne place dans l’arrière-pays musical de son écriture poétique. Une écriture riche en coïncidences historiques où nous allons pouvoir scruter les prolongations mahleriennes jusqu’au dadaïsme, au Black Mountain College, là où le mot « happening » a fait son apparition. Sachant qu’une figure vient faire trait d’union de Gustav Mahler jusqu’à John Cage, c’est le directeur du département musique du Black Moutain College et compositeur Stefan Wolpe.

Une émission produite par David Christoffel, co-animée et réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #205 – Rire

Au tout premier de ses Young People’s Concerts en 1958, Leonard Bernstein proposait aux enfants réunis au Carnegie Hall à New York un week-end du mois de janvier, de réfléchir à ce que la musique peut bien vouloir dire. Pour montrer que la musique ne peut se réduire à une histoire ou une image ou même une émotion, Leonard Bernstein procédait alors à une grande démonstration par l’absurde où il prenait à témoin les musiques qu’il donnait avec l’Orchestre philharmonique de New York, en forçant l’évidence, une par une, qu’elles ne pouvaient se limiter aux histoires, aux images ou aux émotions que chacun peut venir lui associer. Par exemple, pour montrer que les Tableaux d’une exposition de Moussorgski ne montrent pas que les scènes que Moussorgski prétendait pourtant figurer, il s’arrêtait sur le moment où le compositeur fait entendre des enfants qui rient, qui se raillent en faisant « nya nya / nya nya ». Peut-être que Moussorgski ne notifiait ses « nya nya / nya nya » que pour alimenter le paysage sonore des jardins des Tuileries peuplés d’enfants. D’où cette manière de marquer musicalement les petits rires de raillerie dans un fragment mélodique qui entend imiter le sarcasme à l’état infantile. Là où d’autres compositeurs, portés par d’autres nécessités dramatiques, peuvent donner au rire mis en musique une tonalité autrement plus terrible, pour ne pas dire déchirante. S’il ne fallait retenir qu’une seule manière de mettre le rire en musique, on risquerait de se laisser avachir dans le gimmick qui vient souligner d’une gamme descendante un trait d’humour ou plutôt : son ratage en règle. Au cours de ce numéro de Metaclassique, nous ne nous résignerons donc pas à ne retenir qu’une seule manière, vous allez pouvoir entendre plus d’une vingtaine d’exemples de manières musicales de rencontrer le rire, grâce à la musicologue Muriel Joubert qui a co-dirigé avec Denis Le Touzé et au compositeur Stéphane Borrel qui est à l’origine d’une fresque électroacoustique intitulé « Anthologie du rire ».

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #204 – Dédicacer

Un romancier qui dédicace un exemplaire de son livre à un lecteur, peut être tenté de lui témoigner de son affection comme pour le remercier d’avance de l’attention qu’il va apporter au roman. Pour ce faire, il peut aussi apporter un commentaire à l’œuvre en question. Si bien qu’on pourrait aller jusqu’à se demander si, pour ponctuelle qu’elle soit et plus ou moins unique, la dédicace ne fait tout de même partie intégrante de l’œuvre. D’ailleurs, si on revend si cher les exemplaires dédicacés de grands chefs d’œuvre de la littérature ou les partitions avec petit mot du compositeur, c’est donc que l’on tient ses gribouillis ou petites phrases en dédicace pour un fragment de l’œuvre de l’artiste qui veut bien s’y prêter. Partant du principe que les dédicaces sont des prolongations des œuvres ou, à défaut, des petits surgeons, il n’y a aucune sorte d’exagération à dire que cette émission va vous faire entendre des œuvres inédites de grands compositeurs du 19ème siècle, en feuilletant en compagnie le musicologue Robert Adelson, l’album d’autographes musicaux collectionnés tout au long de sa vie niçoise par le Comte de Cessole.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

[Index des extraits]

Metaclassique #203 – Réveillonner

Au cours d’un réveillon, il se passe toujours plus ou moins la même chose : on est content de se retrouver, on est même excité qu’arrive enfin la date annoncée, on est plus ou moins conscient de pourquoi on ne cherche pas à se voir plus souvent, on est au bord de la grosse dispute, mais on se rappelle que c’est Noël : alors, on chante sans retenu, comme pour se défouler. C’est cathartique. Ou alors, c’est une sorte de superstition. D’ailleurs, au cas où ça pourrait être de bonne augure : on fait des belles déclarations, on se rappelle de sa liste de cadeaux inespérés et quand ils arrivent, les cadeaux sont effectivement inespérés ou tellement inattendus qu’ils en sont insupportables : alors, on s’agace, on va chercher à boire ou à manger, on se demande qui devait apporter les huîtres, les uns noient le poisson, les autres continuent de parler d’autre chose. D’ailleurs, on chante à nouveau, on se raconte des blagues qui ne sont tellement pas drôles qu’elles sont très hilarantes. Alors, pour ce numéro de Réveillonner, la compagnie Turbulences a fait tout ça, a reconstitué& toutes les étapes du réveillon bien et très bien à sa façon. Pour Noël, les Turbulents offrent à Metaclassique : une heure de rêves irréalistes, d’histoires drôles hilarantes de nullité, de bons sentiments d’une hypocrisie jubilatoire et de chants de Noël joyeusement détonants.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée avec Léonard Pauly.

Metaclassique #202 – Bouger

Les effets de manche et autres effets de mèche peuvent gâcher un concert. Pour Metaclassique, le pianiste David Kadouch a accepté de livrer un récit de conversion ou comment en est-il arrivé, en jouant du piano, à se concentrer pour moins bouger. Nous entendrons aussi le musicologue quoique d’abord mélomane Jean-Claire Vançon qui ne sait pas écouter de la musique sans bouger et éprouve le besoin d’accompagner son écoute de mouvements. Puisque la gestique des musiciens peut donc appeler à commentaires pour elle-même, avec l’étudiante en musicologie Chloé Rouge, nous avons regardé des vidéos de pianistes sans mettre le son qui n’a été rétabli qu’après.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #201 – Marier

Un mariage ne va pas sans musique. Avec ou sans Mendelssohn ou Wagner, tout commence par une marche nuptiale, continue par un bal, avant que ne s’installe, dans le couple, une autre petite musique tout aussi fastueuse, à moins que beaucoup moins heureuse. D’autant que tous les mariages ne sont pas des mariages d’amour. Et quand, au début des années 1920, la danseuse et chorégraphe Bronislava Nijinska travaillait à un ballet intitulé Noces avec le compositeur Igor Stravinsky, elle se rappelle en effet des mariages arrangés, faute d’avoir pu assister à des mariages d’amour. Un siècle plus tard, au moment où elle repartait elle-même du travail de Bronislava Nijinska dans une proposition chorégraphique intitulée Nijinska | Voilà la femme, Dominique Brun s’est demandé si les mariages d’aujourd’hui sont plus du côté de l’amour ou de l’arrangement. En complicité avec Metaclassique, elle a donc mené une série d’entretiens avec des femmes qui partagent pour seul point commun de fréquenter le Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France, là où les témoignages que vous allez entendre ont été enregistré. C’est comme ça que vous allez pouvoir entendre les voix de dix-sept femmes : Lila, H.B, Sarah, K.A, M.M, Karyna, Wissem, C.A, Cathy, Loreleï Morisseau, Violetta, Elisabeth, Roxane, S. A, Ana, F. D et S B.L.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #200 – Compresser

Une sagesse biblique dit que « Celui qui veille sur sa bouche et sur sa langue / Préserve son âme des angoisses. » (Proverbes 21:23). De là vient le conseil ancestral qui veut qu’il faudrait remuer sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Ce qu’on ne fait jamais réellement. Et alors que la radio se laisse prendre au jeu du tac au tac, va souvent jusqu’à privilégier des personnages au verbe musclé et à la répartie vive, la radio reste aussi l’endroit privilégié pour tenter l’expérience et voir, grandeur nature, ce qui pourrait bien se passer si, entre chaque question et réponse, on prenait un temps de réflexion de dix, de vingt ou même de trente minutes ? Pour réaliser une interview d’une heure, il faudrait prendre une pleine journée quitte à en restituer, ensuite, la compression. Et le dialogue s’en trouverait différent. Après réflexion, tout n’est pas toujours plus réfléchi, mais souvent mieux déviant. Pour son 200è numéro, Metaclassique s’est dit « chiche ! ». Le compositeur Harold Schellinx a accepté de se prêter au jeu.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à La Générale.

Metaclassique #199 – Saisir

Une musique qui gronde est sensée nous faire peur et nous déclencher comme des cauchemars éveillés. Mais il suffit d’avoir une vision justement moins imagée de la musique, pour y associer bien d’autres représentations. Depuis un siècle, de nombreux tests perceptifs sont venus confirmés que la musique engage des schémas de tension, de détente, toujours relatifs à ce que les individus veulent bien y entendre ou s’en laisser bercer. Et, d’ailleurs, est-ce que les modulations mélodiques des bébés qui babillent et des parents qui en profitent pour mimer une conversation, ont à voir avec la question ? Philosophe, musicologue et psychologue, Michel Imberty a traversé ces questions au cours de ses travaux les cinquante dernières années, dont nous allons tenter une synthèse en forme de réflexion sur les effets de représentation que telle ou telle musique vient nous évoquer.

Avec la participation des élèves du Lycée Claude Gellée d’Epinal.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou.

Metaclassique #198 – Négocier

D’un orchestre à l’autre, les mêmes musiciens ne s’investissent pas toujours de la même façon. Preuve qu’au-delà de leur passion de servir la musique, la disposition des instrumentistes dépend de l’ambiance, de la qualité des échanges, de l’harmonie sociale qui règne dans l’orchestre. C’est-à-dire que la vie d’un musicien est mobilisée par la musique, mais aussi par les réglages, les dilemmes relationnels et les négociations dont la vie de l’orchestre vient rythmer son quotidien. Altiste et intermittente du spectacle, Delphine Blanc est aussi sociologue et signe aux éditions de la Maison des sciences de l’homme, l’essai L’Accord parfait ? Dans les coulisses des orchestres de musique classique. Pour Metaclassique, elle dévoile donc les tenants des rapports sociaux dans les orchestres et commente deux témoignages exclusifs des compositeurs Johan Farjot et Lionel Ginoux sur leurs rapports à la fois tumultueux et collaboratifs avec les orchestres qui jouent leurs musiques.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée avec Léonard Pauly.

Metaclassique #197 – Briser

Quand une diva interprète une héroïne au destin déchirant parce que déchiré, doit-elle à son tour se donner une vie non-moins flamboyante de déchirement ? Qu’elles soient réellement fatales ou partiellement surjouées, est-ce que les brisures qui font les destins hors du commun des héroïnes d’opéra et de leurs interprètes doivent être constitutives de leurs destins ? Justement les biopics qui retracent les vies de grandes chanteuses d’opéra semblent souvent organiser la coïncidence entre le destin des personnages de tragédie et le destin de leurs interprètes ? Pour entrer plus en précision dans le problème, nous recevons Pierre Degott auteur d’un étude sur les biopics de chanteuses d’opéra pour la revue Savoirs en prisme et l’auteur, photographe et éditrice du label l’empreinte digitale Catherine Peillon qui, à ses heures, se fait aussi diseuse de bonne aventure. Un panel qui sera complété par le meta-testeur Léonard Pauly.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #196 – Co-exister

« les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice ; et cette force créatrice surcharge à ce point la capacité des briques et du mortier qu’il lui faut maintenant trouver autre chose, se harnacher de plumes, de pinceaux, d’affaires et de politique. Mais ce pouvoir créateur des femmes est très différent du pouvoir créateur des hommes. Et l’on est obligé de conclure qu’il serait infiniment regrettable qu’il se trouvât entravé ou gaspillé, car il a été gagné par des siècles de la discipline la plus rigoureuse et rien n’existe qui puisse prendre sa place. Il serait infiniment regrettable que les femmes écrivissent comme des hommes ou vécussent comme des hommes, car si deux sexes sont tout à fait insuffisants quand on songe à l’étendue et à la diversité du monde, comment nous en tirerions-nous avec un seul ? » (Virginia Woolf, Une chambre à soi, traduction Clara Malraux, Éditions Denoël, coll. 10/18, 1997, p . 131-132)

Même si Virginia Woolf ne pousse pas l’expérience de pensée jusqu’à imaginer un monde où il y aurait plus de deux sexes, elle laisse quand même planer l’idée que c’est un peu à cause du fait qu’on n’en a dénombré que deux si l’un s’est tellement vécu en supériorité par rapport à l’autre. Et quand il faut constater que la musique écrite par des femmes reste excessivement minoritaire dans les salles de concert de musiques de création, que se passerait-il si on thématisait le problème en terme de coexistence. Installés à La Cassette, nous accueillons Claire Bodin qui dirige le Centre de ressources et de promotion Présence compositrices, à l’origine de la base de données Demandez à Clara qui sera spécialement « meta-testé » pour Metaclassique par Léonard Pauly et la philosophe Valérie Gérard qui signe aux éditions MF l’essai Les formes du chaos qui propose d’évoluer dans les livres de Virginia Woolf à la recherche des modes de coexistence.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.