Métaclassique #53 – Rêver

Se demander si toutes les musiques ne sont pas soporifiques, c’est tout de suite répondre que : non. Se demander si toutes les musiques peuvent faire rêver, c’est d’office se dire : oui, forcément ! Mais si on est d’accord pour dire que les musiques peuvent faire rêver, peut-on s’entendre sur ce à quoi telle ou telle sonate fait rêver ? Chacun peut toujours se faire son film. Et si Untel fait son rêve tout seul dans son coin, il devra aller lui-même fouiller dans son for intérieur ce que ses rêves peuvent lui dire. Encore faut-il que les rêves veuillent dire quelque chose. Peut-être ne sont-ils que des images flottantes sans rapport les unes avec les autres, sans rapport même avec la vie du rêveur. Et c’est peut-être à ce moment-là qu’ils auraient quelque chose à voir avec la musique.

Comme il peut y avoir beaucoup à se demander sur la signification des rêves et ce que la musique peut venir exciter – ou non – contenir à leur sujet, nous recevons cette semaine dans Métaclassique trois invités :
– l’historienne des rêves qui a signé Jacqueline Carroy qui a signé Nuits savantes aux éditions de l’EHESS),
– la musicologue Elisabeth Brisson qui vient de publier Alban Berg au miroir de ses œuvres aux éditions Aedam Musicae
– et le philosophe de la musique Santiago Espinosa dont les ouvrages expliquent que la musique est inexpressive.

C’est la première fois, l’émission Métaclassique est enregistrée en public, à la Bpi, la Bibliothèque publique d’information.

Métaclassique #52 – Renverser

La date 02.02.2020 est un palindrome. Les palindromes les plus spectaculaires sont les palindromes poétiques. En musique, il faut commencer par distinguer les renversements et les rétrogrades, mais aussi viser les différents paramètres du son sur lesquels les compositeurs peuvent opérer des symétries plus ou moins sensibles à l’écoute. Pour dresser une anthologie des palindromes musicaux, nous recevons le compositeur et auditeur du Collège de ‘Pataphysique Emmanuel Ducreux, le compositeur et fondateur de l’OUSONMUPO Patrick Lenfant et le compositeur Denis Lorrain.

Métaclassique #51 – Vibrer

Leçon vibratoire

Pour rendre un témoignage plus poignant, on peut mettre des tremolos dans la voix. Cela permettra de donner plus d’épaisseur expressive à ce qu’on dit, au risque d’en mettre assez vite beaucoup trop. Si le vibrato souligne l’émotion, comment se fait-il qu’il en faille si peu pour arriver à l’excès aussi rapidement ?

Dans Métaclassique, l’anatomie des composantes de l’expression musicale est un débat poétique : pour comprendre pourquoi le vibrato peut buter sur ses limites, nous avons demandé à deux instrumentistes de fouiller dans leurs mémoires. À quel moment de l’histoire, le vibrato est-il devenu suspect ? Pourquoi ? Et comment font-ils eux-mêmes depuis pour déployer tel ou tel type de vibrato ?

Avec le guitariste Benoît Boivin et le bassoniste Pascal Gallois.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #50 – Catégoriser

Quand on essaye de se concentrer sur ce qui nous intrigue dans la musique, on peut s’attacher au souffle, à l’étirement d’une phrase, à la couleur de l’instrument, au mouvement des résonances de telle note ou aux gestes évocateurs dont l’interprète soutient son jeu musical… Autant de phénomènes que ne relèvent pas les analystes de la partition, mais que peuvent relever les auditeurs.  On n’a pas toujours recours à des concepts estampillés, mais on ne s’en tient pas pour autant aux seules impressions : on produit des catégories, on génère des points d’attention spécifiques. Des gestes, des mouvements… Pour évoquer le renouvellement des catégories d’écoute de la musique, nous recevons François Delalande qui est l’auteur, aux Presses Universitaires de Rennes, du livre La musique au-delà des notes et Manon Decroix qui prépare, à l’Université Côte d’Azur, une thèse qui cherche des « Clés pour l’analyse du poème symphonique romantique ».

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #49 – Trahir

En 2007, chez L’Harmattan, Jean Goury a publié un essai, sous un titre ouvertement alarmiste : C’est l’opéra qu’on assassine ! Aucun suspens sur l’auteur du crime : le coupable est tout trouvé, c’est le metteur en scène. Et comme Jean Goury considère que l’opéra est de toute façon un genre mort, l’assassinat est tout relatif. Mais pour montrer qu’assassiner un genre mort n’est même pas très créatif, il montre que les metteurs en scène opèrent leurs gestes de désacralisation en suivant des règles à peu près sempiternelles, qu’il présente ironiquement comme une liste de dix commandements :

1. La musique, tu ignoreras.
2. Le livret, tu ne suivras pas.
3. L’époque, tu changeras.
4. Le crapoteux, tu privilégieras.
5.. Le nu, tu montreras.
6. Au décor et aux costumes, tu t’en remettras.
7. De cohérence, tu ne t’embarrasseras pas.
8. À diriger les acteurs, tu ne te fatigueras pas.
9. Les idéologies totalitaires, tu évoqueras.
10. La confusion, tu entretiendras.

Au lieu de prendre position pour ou contre les mises en scène d’opéra, Métaclassique propose d’en détailler les enjeux avec le musicologue Jean-Jacques Nattiez, auteur d’un essai : Fidélité et infidélité dans les mises en scène d’opéra publié dans la collection Musicologies des éditions Vrin.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #48 – Durer

Une journée dure 24 heures. Une année dure 365 ou 366 jours. Une décennie dure dix ans… Et même si on croit avoir l’impression que la décennie qui vient de s’écouler a passé beaucoup plus vite que la décennie antérieure, on finit par faire miroiter des émotions dans les butées des durées ressenties sur les durées objectives égrenées par les calendriers et les pendules. De ce point de vue, les musiques les plus étirées, parce qu’elles atteignent des durées très longues – parfois de plusieurs heures -, sont pourtant celles qui nous donnent un contact très pesé à chaque battement du temps.

Une variation sur la durée avec le compositeur et chercheur Frank Pecquet qui a étudié avec Morton Feldman, le pianiste Nicolas Horvath qui joue de temps en temps, Vexations d’Erik Satie (une partition courte qui demande d’être joué 840 fois de suite et qui peut alors durer de 18 à 24 heures selon que l’on fait toutes les reprises ou que l’on prend un tempo plus ou moins lent) et la performeuse Natacha Guiller qui passe des heures au téléphone à allonger, allonger longuement et prolonger très sciemment… les conversations.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #47 – Plaire

On dit que la musique a des effets sur le cerveau. Et comme on dit beaucoup de choses sur les effets de la musique sur le cerveau, on se doute qu’il doit y avoir beaucoup à… redire. Une fois qu’on dit des choses comme ça, on est loin d’avoir tout dit. Il reste à savoir si la musique a vraiment le même effet sur tous les cerveaux, si le plaisir pris à la musique est le même pour un musicien que pour un auditeur moins avisé, si Mozart fait vraiment plus d’effet que les autres musiciens et si les neuroscientifiques sont plus qualifiés pour nous éclairer que les psychologues.

Invité : Bernard Lechevalier, professeur de neurologie, membre de l’Académie nationale de médecine, organiste titulaire de l’église Saint-Pierre de Caen et auteur de l’essai Le plaisir de la musique (éditions Odile Jacob, 2019).

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #46 – Réécrire

Quand on compose, on peut toujours faire table rase du passé. Que l’on soit plus ou moins conscient du poids de la tradition musicale sur notre écriture, on est plus ou moins influencé. Mais quand on est ouvertement conscient, voire vindicatif, des influences que les compositeurs antérieurs peuvent avoir sur nous, que l’on peut prendre en eux : on ne va pas forcément jusqu’à revendiquer que c’était mieux avant et qu’on ne fera jamais aussi bien qu’en leur rendant hommage.

En somme, quand l’écriture se sait ou se veut réécriture, elle peut être néo-classique, à moins qu’elle ne soit post-moderne : consciente de l’empilement des strates de l’histoire de la musique, mais pas pour autant respectueuse de la nécessité d’en conserver les principes en l’état. Mais peut-on, à l’oreille, distinguer dans les réécritures où finit le néo-classicisme, où commence le post-modernisme ?

Alors qu’à l’Université de Strasbourg, il est en train de terminer une thèse sur les pseudomorphoses du matériau historique dans l’écriture instrumentale depuis 1980, Camille Lienhard nous accompagne dans ces réécritures – qui commence par une transcription pour flûte écrite par le compositeur Salvatore Sciarrino de la Fugue dont voici, d’abord, le début de la Toccata et fugue en ré mineur BWV 565, dont voici la version originale.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #45 – Continuer

On ne peut pas jouer les compositeurs du 18è siècle aujourd’hui, au 21è siècle, de la même manière qu’on pouvait les jouer à la fin du 19è siècle. Et pour cause : il y a eu, tout au long du 20è siècle, un certain nombre de redécouvertes, de travaux musicologiques, qui nous permettent d’être beaucoup plus avisés aujourd’hui de la manière dont on jouait de la musique il y a trois siècles. C’est comme ça qu’au moment de jouer les œuvres de Couperin, un claveciniste comme Gustav Leonhardt ne jouait pas avec les mêmes connaissances de la musique baroque que la pianiste Marcelle Meyer dans la première moitié du 20è siècle.

Pour maintenant savoir si on peut jouer du baroque au 21è siècle comme à l’époque de Leonhardt, nous avons rencontré Héloïse Gaillard à l’occasion du 25è anniversaire de son ensemble Amarillis, avec l’une des chanteuses et amie fidèle d’Amarillis, Stéphanie d’Oustrac qui, justement, chante aussi bien de la musique baroque que de la musique romantique.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

L’enregistrement en fin d’émission est diffusé avec l’aimable autorisation de France Musique, dont la captation de l’intégralité du concert est disponible à la réécoute.

Métaclassique #44 – Découvrir

On peut découvrir un jeune talent. On peut redécouvrir un compositeur oublié. Le verbe découvrir fait partie de ces transitifs qui flirtent avec la colocation : certains compléments d’objet s’y attachent volontiers. Pourtant : on pourrait découvrir… autre chose que des jeunes talents.

Entretiens croisés avec les sociologues Sophie Maisonneuve (maîtresse de conférence en sociologie à l’Université de Paris) et Loïc Riom (doctorant en sociologie à l’Ecole des Mines de Paris). Avec la participation d’Omer Corlaix.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #43 – Alléger

Plus on dit que la musique de Claude Debussy est impressionniste, moins on se demande pourquoi faisait-il des vagues avec ses motifs, pourquoi tant de flous.
Et moins on se demande, plus on se laisse plomber par les étiquettes les plus massives, plus on se détourne des subtilités, des légèretés.
Et si, précisément, les partitions de Debussy étaient restées dans les vagues de l’impressionnisme par souci de légèreté, avec l’espoir de défaire les pesanteurs qui pèsent sur le monde musical et l’essentiel de ses productions ?

Entretien à l’Université de Clermont-Ferrand avec Benjamin Lassauzet, auteur de l’essai L’humour de Claude Debussy (éditions Hermann). Avec la participation d’Omer Corlaix.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.