Dans les années 1960, William Labov a développé des observations sur la stratification sociale des variables linguistiques. C’est aussi lui qui est à l’origine de la notion d’insécurité linguistique. En 1976, dans le livre intitulé Sociolinguistique, il écrivait à propos des petits-bourgeois new-yorkais que leur insécurité linguistique pouvait se traduire « par de profondes fluctuations au sein d’un contexte donné ; par un effet conscient de correction ; enfin, par des réactions fortement négatives envers la façon de parler dont ils ont hérité. »
L’idée que les rapports de classe pèsent sur nos façons de dire est si intéressante qu’elle peut cacher d’autres contextes : bégayer ne renvoie pas systématiquement à des jeux d’intimidations sociales. Peut-être même que le bégaiement ne demande pas toujours à se corriger ou à s’en défendre ou, pendant que l’on parle à chercher à tout prix à renforcer sa sécurité linguistique. D’autant que la sociolinguistique nous apprend aussi que la fluidité de l’élocution ne va pas de soi, elle tient d’un privilège qui n’est pas donné à tout le monde. Si bien que la parole aisée n’est peut-être pas si normale, pas si admirable. Peut-être même qu’il y a quelque chose de suspect à ce qu’elle apparaisse si couramment désirable.
Pour ce numéro Bégayer, Metaclassique a réuni Peter Szendy qui, avec Laura Odello, a signé aux éditions de Minuit, l’essai La Voix, par ailleurs et le musicologue Damien Bonnec qui a réfléchi à quelques mises en scènes poétiques et musicales du bégaiement. Et puis, vous entendrez aussi – en deuxième partie d’émission – les réflexions que poète plasticien Yves Bergeret avait développé dans le cadre de la Nuit des Bégaiements diffusé par La Radio Parfaite en 2018.
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