À vouloir réarticuler une pensée après avoir observé les fascinations d’usage devant les performances musicales des algorithmes, on entend se déclencher une petite musique assez mécanique qui dit globalement toujours la même chose : les machines ne devraient plus du tout tarder à pouvoir remplacer les talents naturels ou pour le dire plus positivement, mais sans que le constat soit si différent sur le fond : la créativité humaine n’aura jamais dit son dernier mot puisqu’elle ne fera jamais la même chose qu’une calculatrice géante. Qu’elle se joue en mode dépressif ou en mode exalté, cette petite musique revient à placer les rapports entre musique et algorithme sur une marche du progrès informatique dont l’imaginaire serait donc à jamais déconnectée des humanités. Alors qu’à fouiller l’histoire des musiques algorithmiques, à regarder comment les premiers compositeurs qui ont revendiqué l’usage de l’informatique ont modélisé la musique, les outils qu’ils ont employé devaient traiter de la musique comme d’un langage et, ce faisant, reconduire des paradigmes rhétoriques. Ce numéro de Metaclassique propose de reprendre l’histoire de la musique algorithmique à partir des chaînes de Markov, un processus stochastique qui tire son nom du mathématicien russe, Andreï Markov qui, en 1913, avait expérimenté le fonctionnement de ses chaînes dans un travail de linguistique statistique, en utilisant la séquence des 20 000 lettres d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine. En remarquant que l’apparition de celles-ci dépendait fortement des précédentes, il a donné l’intuition qu’un algorithme pourrait simuler un style préexistant par des déductions de probabilités d’apparition de telle note à la suite de telle autre. C’est-à-dire qu’une inspiration littéraire précède l’usage des algorithmes en musique et fait penser que le discours tient alors dans l’ordre des notes et prolonge l’analogie entre lettres et notes.
Pour faire l’histoire et envisager une actualité de l’usage des chaînes de Markov en musique, nous recevrons Miller Puckette connu de la communauté musicale pour avoir créé les logiciels Max et Pure Data et un compositeur pour lequel il a beaucoup collaboré, Philippe Manoury dont l’œuvre est traversée d’usages très divers et joyeusement variés desdites « chaînes de Markov ». Pour commencer : voici une œuvre de 1956, la Suite Illiac, consacrée comme un point de départ de la musique algorithmique.
Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
Numéros connexes de Metaclassique : #40 – Générer et #222 – Combiner
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