Dans À la recherche du temps perdu, Swann est bouleversé par la Sonate de Vinteuil. Si Marcel Proust a choisi un compositeur fictif, c’est pour ne pas se heurter aux goûts musicaux réels des lecteurs, dit-on ; ou pour ne subir aucun frein dans l’idéalisation de sa musique, peut-on aussi imaginer. Le romancier et mélomane Étienne Barilier se heurte à un impossible : alors que Proust met en scène un Vinteuil délicieusement naïf, qui ne ferait pas de mal à une mouche, il soutient que ce même Vinteuil a connu les gouffres de la condition humaine sans lesquels il n’aurait pu produire une musique aussi géniale. Pour résoudre cette impossibilité, Étienne Barilier a reconstitué la biographie de Louis Lefebvre, l’homme réel qui a dû inspirer Proust, qui ne se contente pas de souffrir comme Vinteuil, mais fait souffrir à son tour. Mais voilà qu’au moment où le livre À la recherche de Vinteuil est paru aux éditions Phebus, le hasard des calendriers éditoriaux veut qu’un autre livre d’Étienne Barilier est sorti aux éditions Premières loges, Pour la main gauche qui retrace l’histoire des partitions pour pianistes amputés et révèle comme l’auteur entend décidément la musique depuis la souffrance. C’est à son domicile, près de Lausanne en Suisse, qu’il a reçu les micros de Metaclassique pour évoquer comme se dessine, au fil de ses livres, une curiosité tenace pour la souffrance créatrice.
Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
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