Plutarque rapporte que le grand Solon d’Athènes aurait ajouté un vers de son cru au catalogue des vaisseaux dans l’Iliade pour asseoir l’idée que Salamine était déjà sous la domination d’Athènes. Le scrupule des éditeurs peut aller jusqu’à modifier le texte d’un poète pour le rendre plus précis et, pourquoi pas, plus proche des volontés de l’auteur, surtout quand son texte présente quelques lacunes. En philologie, ces interventions dans des textes supposés lacunaires s’appellent des « interpolations ». Si bien qu’à l’inverse d’un plagiaire qui prend le texte des autres pour le mettre chez soi, l’interpolateur est plutôt un squatteur qui, sans prévenir, vient mettre son propre texte dans les œuvres des autres.
Dans L’Art d’assaisonner les textes, la poéticienne Sophie Rabau ne veut pas tomber dans la chasse à l’interpolateur : là où sa traque supposerait d’en faire une sorte de diable, elle ne voit que des mauvaises raisons à déprécier l’altérité de l’interpolateur qu’elle préfère « voir comme une alternative et non comme une altération ».
Pour ce numéro « Squatter » de Metaclassique, nous allons jouer avec les implications musicales que peut avoir cette reprise en main poétique des pratiques d’interpolation. Pour ce faire, nous recevons Sophie Rabau à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, mais aussi le musicologue Jean-Claire Vançon qui se penche sur l’histoire de la musique avec un regain d’intérêt chaque fois que ses couches historiques induisent quelques jeux de réécriture et la violoniste Rachel Koblyakov qui a accepté de jouer les interpolations musicales, à commencer par celle de Gounod sur un célèbre Prélude de Bach.
Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
Quelques autres jeux inter-corpus : #10 – Re-raconter, #64- Jouer, #106 – Annoter, #137 – Incomprendre et #181 – Déchiffrer
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