À rembobiner le langage, on imagine à loisir un moment où les mots n’étaient pas encore très formés, où l’envie de dire quelque chose pouvait se manifester par des borborismes pas assez articulés pour avoir une signification précise. Et même si on a un souvenir très vague de ce moment où, sans savoir ce qu’on disait, on remplissait nos proférations d’un plein désir de l’exprimer, on peut tout de même embrasser ce souvenir avec une nostalgie toute joyeuse au moment de dévisager les ruminants et de projeter sur leurs ruminations une image de ce que pourrait devenir notre pensée si on prenait vraiment le temps de gurgiter et régurgiter les paroles qu’on aurait donc trop vite ingurgitées. Bref, une leçon de poésie pourrait se loger dans l’observation des moutons et des vaches : une leçon qui pourrait peut-être remonter encore plus loin la parole : parce qu’avant d’émettre une voyelle, peut-être est-ce qu’on l’a éructé. Peut-être même que le premier rêve de parole que l’on ait jamais produit était celui d’un rot. Et peut-être que pour former ce rot, fallait-il faire remonter l’origine du langage dans l’étape encore antérieure à la déglutition qui, peut-être encore, était déjà un moment de rumination. C’est donc quelque part vers l’origine du langage que va nous mener aujourd’hui l’artiste Fabrice Hyber. En préparation d’une exposition à la Galerie Duchamp à Yvetot, Fabrice Hyber nous a reçu dans sa vallée, à Mareuil sur Lay, en Vendée, exactement là où il écoute sa voix et la vallée résonner l’une en l’autre et ne cesser de lui faire penser les flux et circuits qui l’amènent à y ruminer en grand l’ensemble de son œuvre.*
Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
Oreille extérieure : Alexandre Mare.
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