Metaclassique #350 sud – Orchestrer

Choisir le nombre de violons que l’on va engager dans les longs accords qui tissent un tapis harmonique au-dessus duquel il reste à savoir si le thème serait plus éclatant ou mieux suave en le confiant aux bassons plutôt qu’aux trombones et s’il ne serait pas encore plus délicieux de les doubler avec des clarinettes basses… les choix d’orchestration font évidemment partie intégrante du travail de composition, tout en relevant d’une science en soi quasiment détachable. Ravel, Debussy, Rimsky-Korsakov, Jean Françaix, Mel Bonis sont autant de compositeurs et compositrices qui se sont illustrés dans cet art spécifique de l’orchestration et que nous croiserons au fil de ce numéro « Orchestrer » de Métaclassique enregistré en public à Médiathèque Musicale de Paris – Christiane Eda-Pierre. Nous recevons, par ordre d’apparition dans l’émission : Anthony Girard qui enseigne l’orchestration au CNSMD de Paris et qui publie Techniques d’orchestration aux Éditions Billaudot et la musicologue Nathalie Hérold qui enseigne à Sorbonne Université et développe l’analyse musicale par le timbre.

Une émission balisée et conduite par David Christoffel.

Metaclassique #350 nord – Farcir

Autour de 1700, les interprètes jouaient couramment beaucoup plus de notes qui n’en étaient écrites. Mais au-delà des seuls ornements qui complétaient à vue les lignes mélodiques, il pouvait y avoir des ajouts de parties. Si bien qu’une partition écrite pour deux instruments pouvaient tout à fait être jouée par cinq instrumentistes. C’est comme ça que certains musicologues et instrumentistes se mettent aujourd’hui à « Farcir » les partitions de parties qui, sans être écrites, n’en étaient pas moins jouées par les musiciens de l’époque. D’une partition à deux voix, on peut passer à cinq selon des critères historiques scrupuleux ; d’une partie de viole, on peut ajouter une basse. Reste à déceler, dans ces pratiques, où finit la reconstitution ou commence la réécriture ? Quelle est la part de complétion et celle d’invention ? Pour ce numéro « Farcir » de Metaclassique, nous sommes installés dans la Bibliothèque La Grange-Fleuret, nous recevons le musicologue Thomas Leconte qui farci des partitions de Michel-Richard de Lalande et la violiste Noémie Lenhof qui, avec le claveciniste Guillaume Haldenwang, a farci des œuvres de Marin Marais.

Une émission mixée et assemblée par David Christoffel.

Metaclassique #350 est – Archer

L’archet du violon tire son nom de l’arc, tiré du mot latin arcus qui, de l’arc en ciel à l’arche, peut désigner tout ce qui prend la forme du bois d’un arc tendu, avant de servir à désigner les portiques voûtés, des arcades ou autre arc de triomphe. Mais comme il est parfaitement homophone avec le verbe « Archer », l’archet du violon pourrait se sentir pousser des vertus archéologiques et à se représenter le retour aux origines comme une manière de tendre une flèche, la fougue philologique pourrait se laisser encourager par les prolongations musicales qu’elle arche à son tour, peut-être que jouer d’un seul archet des partitions écrites pour les deux mains d’un clavier est une manière de bander comme un arc le propos musical et de lui donner une direction d’autant plus nette que ledit propos s’en trouverait alors comme réoriginé. C’est pour faire honneur à cette hypothèse que ce Métaclassique enregistré à la HEM de Genève reçoit les violonistes Tedi Papavrami et Pauline Klaus qui ont tous les deux enregistrés des transcriptions pour violon seul de pièces initialement composées pour le clavecin, le piano ou l’orgue.

Une émission organisée et ressourcée par David Christoffel.

Metaclassique #350 ouest – Réduire

Dans les entreprises, quand les temps difficiles de réductions de personnel, le plus évident pourrait consister à sauver d’abord les agents les plus efficaces pour sacrifier d’abord les éléments les moins productifs. Reste qu’entre les deux, il y a des demi-performants qui occupent des postes clés sans lesquels les équilibres généraux ne tiennent plus. Mais il suffit de se dire qu’un employé apparemment inutile pourrait être vital au groupe en ce que sa passivité même pourrait lui valoir d’occuper une fonction stratégique en tant que repoussoir potentiellement très rassembleur et  pour la motivation globale, et voilà que la réduction de personnel s’avère d’office beaucoup plus délicat. Dit comme ça, on devine que l’art de la réduction musicale pour faire jouer par 10 ou 20 ce qui est écrit pour 80 ou 100 instrumentistes n’était pas beaucoup compliqué ?

Depuis le salon Mahler de la Bibliothèque La Grange Fleuret, Metaclassique en réunissant une musicologues et deux réducteurs, respectivement : Cécile Reynaud qui est directrice d’étude à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes spécialiste du piano au XIXè siècle, Benjamin Garzia qui dirige la Mahlerian Camerata pour laquelle il ramène des symphonies de Mahler à une vingtaine d’instruments et Robin Melchior qui a réduit de nombreuses partitions pour la Symphonie de Poche, que voici dans le début du 4è mouvement de la Symphonie Pastorale de Beethoven.

Une émission épluchée et ramassée par David Christoffel.

Metaclassique – Adorer

Dans le spectacle Nexus de l’adoration, Joris Lacoste invente une religion qui consiste à adorer toutes les choses, qu’il s’agisse d’un Pokemon, d’une pâquerette ou d’une pensée de Cyril Hanouna. Dans Eternal Dawn (L’Aube éternelle), Alexander Schubert met en scène un transhumanisme dans lequel la technologie a phagocyté tout ce qui peut relier les êtres vivants au monde. Deux propositions présentées dans le cadre de l’édition 2025 du festival Musica qui peuvent s’entendre comme deux faces très différemment dystopiques d’une même préoccupation ou d’une même perplexité face aux futurs plus ou moins désirables de la spiritualité dans une société hyperconnectée. Dans le même temps, dans le livre Spiritualités radicales paru aux éditions divergences, l’essayiste Yuna Visentin montre comment, de l’astrologie aux croyances animismes en passant par les monothéismes, les religions consacrées ou inventées peuvent s’entendre comme des récits contre-hégémoniques, autant de manières de se représenter le monde, d’imaginer la liaison entre les êtres avec des systèmes de représentations alternatifs à l’injonction aux storytellings normatifs qui s’imposent aux individus que le capitalisme ne cesse de sur-individualiser ?

A l’occasion de leurs créations respectives au cours de l’édition 2025 du festival Musica à Strasbourg, Metaclassique a pu interroger les compositeurs Joris Lacoste et Alexander Schubert (qui sera traduit par Jules Paul) dont les réflexions seront prolongées par celles de Yuna Visentin.

Une émission tramée et agencée par David Christoffel.

Metaclassique #349 – Allier

Composer de la musique électronique instrumentale au cœur même d’une composition musicale pour instrument acoustique, portent les créateurs de sonorités synthétiques dans une recherche conjointe de formes et d’alliages de timbre. Depuis cette conjonction, on peut toujours se demander comment la forme musicale répond à la recherche des alliages de couleurs et, de manière complètement simultanée, comment lesdits alliages répondent aux idées formelles avec lesquels les sculpteurs de son les abordent qu’ils aient un instrument acoustique en main ou des instruments à électricité. Au cours de ce Métaclassique « Allier », nous irons à la rencontre du clarinettiste Jean-François Charles qui entre en collaboration électronique avec des musiciens acoustiques comme le sétariste Ramin Roshandel. Dans le dernier tiers de l’émission, nous rentrerons dans l’atelier du compositeur Olivier Delevingne qui co-compose pour synthétiseurs modulaires des partitions en alliage avec Benoît Menut qui écrit, à la main, des fantaisies qui nous donnerons l’occasion d’entendre Lucile Boulanger à la viole et François Lazarevitch jouer différentes flûtes. Pour commencer, nous allons à la rencontre du pianiste-compositeur-improvisateur Patrick-Astrid Defossez dont on entendra les fruits de la collaboration avec Anne-Gabrielle Debaecker.

Une émission alambiquée et macérée par David Christoffel.

Metaclassique #348 – Façonner

Les luthiers se transmettent les savoir-faires de génération en génération. Il n’empêche que leurs savoirs se formalisent par des écrits et des traités. Mais plus on remonte dans le temps, moins les sources ont de prétention théorique. Si bien qu’à vouloir faire une flûte ou un psaltérion de l’époque médiévale, ne reste plus pour modèle que des tableaux, des enluminures, des sculptures où paraissent des musiciens et musiciennes dont les traces iconographiques ne s’adressaient pas directement aux luthiers du xxiè siècle et ne cherchaient donc pas à avoir une cohérence organologique applicable pour qui veut aujourd’hui reconstruire les instruments de l’époque. Pour mieux saisir comment façonner un instrument de musique six ou sept siècles après son âge d’or, Métaclassique a été invité par le Centre International de Musiques Médiévales à sillonner les allées du salon d’archéo-lutherie à Saint-Guilhem-le-Désert à la rencontre de Gisèle Clément qui a fondé le CIMM il y a dix ans, du psaltériste Baptiste Chopin, de la chercheuse Laura de Castellet, des archéo-luthiers Olivier Féraud, de Lionel Dieu, Jeff et Jean Daniel Talma

Une émission promenée et cousue par David Christoffel.

Metaclassique #347 – Pulser

Parmi les révolutions musicales que les ondes radio ont pu permettre, on pourrait compter les œuvres musicales créées à partir des sons captés par les ondes radio, des résonances de phénomènes astronomiques qui se sont produits il y a très longtemps très très loin dans l’espace et qui ont contribué à des découvertes astrophysiques majeures dans les dernières décennies. Mais pour combien est-ce que l’ampleur des phénomènes spatiaux auxquels renvoient ces sons donne un souffle plus ample aux œuvres musicales qu’ils ont pu nourrir ? Quelle différence de traitement musical y aurait-il si, au lieu des battements d’un pulsar, tel compositeur s’inspirait des battements d’un sismographe ou des pulsations cardiaques d’un batracien ?

Quand, en 1991, au festival Ars Musica à Bruxelles, les Percussions de Strasbourg ont créé Le Noir de l’étoile, une œuvre spectaculaire de Gérard Grisey pour six percussionnistes disposés autour du public, bande magnétique et transmission in situ de signaux astronomiques, le prologue de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet devait prendre sa part à la puissance de l’œuvre. Avec la complicité du festival Musica, Metaclassique propose de revenir sur Le Noir de l’étoile de Gérard Grisey avec le philosophe Lambert Dousson, l’astrophysicienne Kumiko Kotera et l’essayiste Ariel Kyrou, auteur aux éditions MF de Philofictions. Des imaginaires alternatifs pour la planète. Tout commence par un extrait du prologue de Jean-Pierre Luminet qui, la dernière fois où l’œuvre a été donné dans le cadre du festival Musica à Strasbourg, était dit par André Pomarat.

Une émission architecturée et mise en onde par David Christoffel.

Metaclassique #346 – Caractériser

Depuis que s’est développé le paradigme de l’autonomie de l’œuvre musicale, les compositeurs et compositrices s’emploient à mettre le maximum d’informations sur leurs partitions pour laisser un minimum d’ambiguïtés quant à la manière dont les interprètes doivent les exécuter. Les partitions ont beau être chargées d’indications de mesure très claires, de mentions de dynamiques des plus précises, de signes de modes de jeu dûment documentés, la manière de caractériser telle ou telle phrase musicale garde un panel de possibilités expressives encore assez large. Et quand un pianiste se lance dans la réalisation d’un disque, il doit passer par des déductions de cohérence stylistique entre les œuvres du corpus, des supputations psychologiques sur le compositeur ou la compositrice, des variations sur lesdites supputations en fonction des périodes de sa vie ou encore des tentatives et des contre-tentatives sur la place qu’il s’agit de laisser au silence au cours de telle ou telle pièce.

Pour donner à sentir le poids des incertitudes que le pianiste a dû traverser et pouvoir projeter dans une première partition l’ampleur des possibilités de caractère pour l’aborder quand on ne sait rien de qui l’a écrite, ce ne sera que dans trois minutes que nous révélerons avec le pianiste Nicolas Stavy, l’identité du compositeur auquel il consacre un disque monographique d’une œuvre pour piano qui, jusque-là, n’avait été que très peu, voire pas du tout jouée et enregistrée. Pendant qu’il préparait ce disque, Métaclassique a rendu visite à Nicolas Stavy à trois reprises avec onze mois d’écart entre le premier et le troisième entretien pour donner à entendre le spectre des hypothèses qu’il a dû explorer pour caractériser les différentes œuvres qu’il a enregistrées sur le label BIS et pour ajuster, par exemple, l’exact niveau de gravité qu’il pouvait faire porter à telle ou telle page selon les périodes de sa vie ou les familiarités que ledit compositeur entretenait avec tel ou tel autre.

Une émission cultivée et partagée par David Christoffel.

Metaclassique #345 – Déséparer

« L’être sincère serait alors celui qui obéit à la matière de sa forme. En même temps, il faut bien que chacun donne forme à la matière de son bouillonnement, de sorte que la sincérité est à la fois supposée et visée, comme on sait. Ce qui reste de la sincérité n’est que l’impossibilité de son hypothèse en vue de la possibilité de sa visée[1]. »

On peut comprendre dans ce développement de Philippe Beck que la sincérité bute sur un impossible, cela ne l’empêche pas d’être ressentie comme une nécessité. Et on comprend aussi qu’au lieu d’en rester à l’état d’injonction paradoxale, cette tension est donc bien inhérente à ce qui fait l’exigence de sincérité.

Il est récurrent dans la pensée et la poésie de Philippe Beck de défaire les fausses oppositions, de dé-séparer les dualismes et les polarisations, à ne pas laisser les choses à l’état de paradoxe et à tenir l’unité des contraires dans une tension dynamique qui a souvent plus fertile à dire que de simplement mimer un semblant de résolution. Pour ce numéro Dé-séparer de Metaclassique, nous allons revenir avec Philippe Beck sur les moments de dé-séparation rencontrés dans les pages liées à la musique dans son livre Documentaires paru aux éditions Le Bruit du temps.

Cet entretien est ponctué de lectures de poèmes extraits de recueils anciens tels que Rude merveilleux (éditions Al Dante, 1998) et Aux recensions (éditions Flammarion, 2002) et de son recueil le plus récent, Abstraite et plaisantine (éditions Le Bruit du temps, 2025).

Une émission conçue et animée par David Christoffel.


[1] Philippe Beck, Documentaires, Gouville-sur-Mer, Éditions Le Bruit du temps, 2025, p. 72.

Metaclassique #344 – Pincer

Les cordes pincées sont d’abord identifiées comme une famille d’instruments, parmi lesquels on compte les cithares, les luths, les guitares, les mandolines, ou encore les lyres, les harpes, les clavecins. Et quand on les met ensemble, il peut en ressortir un style assez sec à même de donner envie à qui écrit pour ces instruments de jouer des pincements par les effets de caractère qu’ils peuvent spécialement dédier à ces instruments. L’ensemble C-Barré fondé et dirigé par Sébastien Boin a pris l’habitude d’entamer sa relation avec compositeurs et compositrices d’aujourd’hui en leur commandant une pièce pour mandoline, guitare et harpe. À se demander alors combien la commande joue dans le style d’arrivée, combien les écritures se jouent du caractère posé par l’identité sonore si spécifique de cet attelage-là de cordes pincées.

Au cours de cette émission, vous entendrez la harpiste Eva Debonne, le directeur de l’ensemble Sébastien Boin, la mandoliniste Natalia Korsak et le guitariste Thomas Keck, ainsi que deux des compositeurs qui ont reçu commande de composer pour le trio de cordes pincées au coeur de C-Barré, dans l’ordre d’apparition dans l’émission : Frédéric Pattar et Mikel Urquiza. Nous évoquerons aussi Ratzfatz, le trio écrit par Birke Bertelsmeier, dont voici un premier extrait, enregistré par l’Ensemble C-Barré au GMEM de Marseille pour l’occasion de ce Metaclassique.

Une émission conçue et animée par David Christoffel.

Metaclassique #343 – Encoder

Si, par fatigue ou envie de mêler leurs talents aux partitions qu’ils manipulent, les copistes du Moyen Âge peuvent couramment commettre des erreurs, il ne suffit pas toujours de recouper les versions pour les repérer et restituer l’original. C’est là que les outils développés dans le domaine des humanités numériques peuvent permettre d’avancer. En encodant les différentes sources des motets du poète et compositeur Philippe de Vitry, David Chappuis qui dirige l’Ensemble Arborescence et le chercheur en humanités numériques Olivier Bettens ont pu s’approcher de plus près de la fabrique de ce genre poétique et musical. En retrouvant les pratiques médiévales d’écriture et de lecture ; en déclamant les poèmes selon la prononciation historique supposée ; en explorant l’usage des voces — ces syllabes de solmisation — pour reconstituer les formules mélodiques et en plongeant dans les techniques contrapuntiques de l’Ars nova, l’esthétique propre du milieu du 14ème siècle de Philippe de Vitry.

Au cours de cette heure de ce Metaclassique « Encoder », enregistré à l’Abbaye de Royaumont, vous allez pouvoir entendre le chef d’orchestre et compositeur David Chappuis, mais aussi Olivier Bettens, le chanteur et chercheur Vincent Chomienne, l’historienne de la littérature Pascale Bourgain et le chanteuse Eugénie De Mey. Mais, avant d’entendre les versions enregistrées par l’Ensemble Arborescence des motets de Philippe de Vitry, nous allons commencer par écouter un de ces motets dans une version de l’ensemble Sequentia pour que David Chappuis nous explique ce qui l’attriste dans cette façon d’envisager cette œuvre.

Une émission conçue et réalisée par David Christoffel.

Philippe De Vitry - 1