Metaclassique #346 – Caractériser

Depuis que s’est développé le paradigme de l’autonomie de l’œuvre musicale, les compositeurs et compositrices s’emploient à mettre le maximum d’informations sur leurs partitions pour laisser un minimum d’ambiguïtés quant à la manière dont les interprètes doivent les exécuter. Les partitions ont beau être chargées d’indications de mesure très claires, de mentions de dynamiques des plus précises, de signes de modes de jeu dûment documentés, la manière de caractériser telle ou telle phrase musicale garde un panel de possibilités expressives encore assez large. Et quand un pianiste se lance dans la réalisation d’un disque, il doit passer par des déductions de cohérence stylistique entre les œuvres du corpus, des supputations psychologiques sur le compositeur ou la compositrice, des variations sur lesdites supputations en fonction des périodes de sa vie ou encore des tentatives et des contre-tentatives sur la place qu’il s’agit de laisser au silence au cours de telle ou telle pièce.

Pour donner à sentir le poids des incertitudes que le pianiste a dû traverser et pouvoir projeter dans une première partition l’ampleur des possibilités de caractère pour l’aborder quand on ne sait rien de qui l’a écrite, ce ne sera que dans trois minutes que nous révélerons avec le pianiste Nicolas Stavy, l’identité du compositeur auquel il consacre un disque monographique d’une œuvre pour piano qui, jusque-là, n’avait été que très peu, voire pas du tout jouée et enregistrée. Pendant qu’il préparait ce disque, Métaclassique a rendu visite à Nicolas Stavy à trois reprises avec onze mois d’écart entre le premier et le troisième entretien pour donner à entendre le spectre des hypothèses qu’il a dû explorer pour caractériser les différentes œuvres qu’il a enregistrées sur le label BIS et pour ajuster, par exemple, l’exact niveau de gravité qu’il pouvait faire porter à telle ou telle page selon les périodes de sa vie ou les familiarités que ledit compositeur entretenait avec tel ou tel autre.

Une émission cultivée et partagée par David Christoffel.