Metaclassique #348 – Façonner

Les luthiers se transmettent les savoir-faires de génération en génération. Il n’empêche que leurs savoirs se formalisent par des écrits et des traités. Mais plus on remonte dans le temps, moins les sources ont de prétention théorique. Si bien qu’à vouloir faire une flûte ou un psaltérion de l’époque médiévale, ne reste plus pour modèle que des tableaux, des enluminures, des sculptures où paraissent des musiciens et musiciennes dont les traces iconographiques ne s’adressaient pas directement aux luthiers du xxiè siècle et ne cherchaient donc pas à avoir une cohérence organologique applicable pour qui veut aujourd’hui reconstruire les instruments de l’époque. Pour mieux saisir comment façonner un instrument de musique six ou sept siècles après son âge d’or, Métaclassique a été invité par le Centre International de Musiques Médiévales à sillonner les allées du salon d’archéo-lutherie à Saint-Guilhem-le-Désert à la rencontre de Gisèle Clément qui a fondé le CIMM il y a dix ans, du psaltériste Baptiste Chopin, de la chercheuse Laura de Castellet, des archéo-luthiers Olivier Féraud, de Lionel Dieu, Jeff et Jean Daniel Talma

Une émission promenée et cousue par David Christoffel.

Metaclassique #347 – Pulser

Parmi les révolutions musicales que les ondes radio ont pu permettre, on pourrait compter les œuvres musicales créées à partir des sons captés par les ondes radio, des résonances de phénomènes astronomiques qui se sont produits il y a très longtemps très très loin dans l’espace et qui ont contribué à des découvertes astrophysiques majeures dans les dernières décennies. Mais pour combien est-ce que l’ampleur des phénomènes spatiaux auxquels renvoient ces sons donne un souffle plus ample aux œuvres musicales qu’ils ont pu nourrir ? Quelle différence de traitement musical y aurait-il si, au lieu des battements d’un pulsar, tel compositeur s’inspirait des battements d’un sismographe ou des pulsations cardiaques d’un batracien ?

Quand, en 1991, au festival Ars Musica à Bruxelles, les Percussions de Strasbourg ont créé Le Noir de l’étoile, une œuvre spectaculaire de Gérard Grisey pour six percussionnistes disposés autour du public, bande magnétique et transmission in situ de signaux astronomiques, le prologue de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet devait prendre sa part à la puissance de l’œuvre. Avec la complicité du festival Musica, Metaclassique propose de revenir sur Le Noir de l’étoile de Gérard Grisey avec le philosophe Lambert Dousson, l’astrophysicienne Kumiko Kotera et l’essayiste Ariel Kyrou, auteur aux éditions MF de Philofictions. Des imaginaires alternatifs pour la planète. Tout commence par un extrait du prologue de Jean-Pierre Luminet qui, la dernière fois où l’œuvre a été donné dans le cadre du festival Musica à Strasbourg, était dit par André Pomarat.

Une émission architecturée et mise en onde par David Christoffel.

Metaclassique #346 – Caractériser

Depuis que s’est développé le paradigme de l’autonomie de l’œuvre musicale, les compositeurs et compositrices s’emploient à mettre le maximum d’informations sur leurs partitions pour laisser un minimum d’ambiguïtés quant à la manière dont les interprètes doivent les exécuter. Les partitions ont beau être chargées d’indications de mesure très claires, de mentions de dynamiques des plus précises, de signes de modes de jeu dûment documentés, la manière de caractériser telle ou telle phrase musicale garde un panel de possibilités expressives encore assez large. Et quand un pianiste se lance dans la réalisation d’un disque, il doit passer par des déductions de cohérence stylistique entre les œuvres du corpus, des supputations psychologiques sur le compositeur ou la compositrice, des variations sur lesdites supputations en fonction des périodes de sa vie ou encore des tentatives et des contre-tentatives sur la place qu’il s’agit de laisser au silence au cours de telle ou telle pièce.

Pour donner à sentir le poids des incertitudes que le pianiste a dû traverser et pouvoir projeter dans une première partition l’ampleur des possibilités de caractère pour l’aborder quand on ne sait rien de qui l’a écrite, ce ne sera que dans trois minutes que nous révélerons avec le pianiste Nicolas Stavy, l’identité du compositeur auquel il consacre un disque monographique d’une œuvre pour piano qui, jusque-là, n’avait été que très peu, voire pas du tout jouée et enregistrée. Pendant qu’il préparait ce disque, Métaclassique a rendu visite à Nicolas Stavy à trois reprises avec onze mois d’écart entre le premier et le troisième entretien pour donner à entendre le spectre des hypothèses qu’il a dû explorer pour caractériser les différentes œuvres qu’il a enregistrées sur le label BIS et pour ajuster, par exemple, l’exact niveau de gravité qu’il pouvait faire porter à telle ou telle page selon les périodes de sa vie ou les familiarités que ledit compositeur entretenait avec tel ou tel autre.

Une émission cultivée et partagée par David Christoffel.

Metaclassique #345 – Déséparer

« L’être sincère serait alors celui qui obéit à la matière de sa forme. En même temps, il faut bien que chacun donne forme à la matière de son bouillonnement, de sorte que la sincérité est à la fois supposée et visée, comme on sait. Ce qui reste de la sincérité n’est que l’impossibilité de son hypothèse en vue de la possibilité de sa visée[1]. »

On peut comprendre dans ce développement de Philippe Beck que la sincérité bute sur un impossible, cela ne l’empêche pas d’être ressentie comme une nécessité. Et on comprend aussi qu’au lieu d’en rester à l’état d’injonction paradoxale, cette tension est donc bien inhérente à ce qui fait l’exigence de sincérité.

Il est récurrent dans la pensée et la poésie de Philippe Beck de défaire les fausses oppositions, de dé-séparer les dualismes et les polarisations, à ne pas laisser les choses à l’état de paradoxe et à tenir l’unité des contraires dans une tension dynamique qui a souvent plus fertile à dire que de simplement mimer un semblant de résolution. Pour ce numéro Dé-séparer de Metaclassique, nous allons revenir avec Philippe Beck sur les moments de dé-séparation rencontrés dans les pages liées à la musique dans son livre Documentaires paru aux éditions Le Bruit du temps.

Cet entretien est ponctué de lectures de poèmes extraits de recueils anciens tels que Rude merveilleux (éditions Al Dante, 1998) et Aux recensions (éditions Flammarion, 2002) et de son recueil le plus récent, Abstraite et plaisantine (éditions Le Bruit du temps, 2025).

Une émission conçue et animée par David Christoffel.


[1] Philippe Beck, Documentaires, Gouville-sur-Mer, Éditions Le Bruit du temps, 2025, p. 72.

Metaclassique #344 – Pincer

Les cordes pincées sont d’abord identifiées comme une famille d’instruments, parmi lesquels on compte les cithares, les luths, les guitares, les mandolines, ou encore les lyres, les harpes, les clavecins. Et quand on les met ensemble, il peut en ressortir un style assez sec à même de donner envie à qui écrit pour ces instruments de jouer des pincements par les effets de caractère qu’ils peuvent spécialement dédier à ces instruments. L’ensemble C-Barré fondé et dirigé par Sébastien Boin a pris l’habitude d’entamer sa relation avec compositeurs et compositrices d’aujourd’hui en leur commandant une pièce pour mandoline, guitare et harpe. À se demander alors combien la commande joue dans le style d’arrivée, combien les écritures se jouent du caractère posé par l’identité sonore si spécifique de cet attelage-là de cordes pincées.

Au cours de cette émission, vous entendrez la harpiste Eva Debonne, le directeur de l’ensemble Sébastien Boin, la mandoliniste Natalia Korsak et le guitariste Thomas Keck, ainsi que deux des compositeurs qui ont reçu commande de composer pour le trio de cordes pincées au coeur de C-Barré, dans l’ordre d’apparition dans l’émission : Frédéric Pattar et Mikel Urquiza. Nous évoquerons aussi Ratzfatz, le trio écrit par Birke Bertelsmeier, dont voici un premier extrait, enregistré par l’Ensemble C-Barré au GMEM de Marseille pour l’occasion de ce Metaclassique.

Une émission conçue et animée par David Christoffel.

Metaclassique #343 – Encoder

Si, par fatigue ou envie de mêler leurs talents aux partitions qu’ils manipulent, les copistes du Moyen Âge peuvent couramment commettre des erreurs, il ne suffit pas toujours de recouper les versions pour les repérer et restituer l’original. C’est là que les outils développés dans le domaine des humanités numériques peuvent permettre d’avancer. En encodant les différentes sources des motets du poète et compositeur Philippe de Vitry, David Chappuis qui dirige l’Ensemble Arborescence et le chercheur en humanités numériques Olivier Bettens ont pu s’approcher de plus près de la fabrique de ce genre poétique et musical. En retrouvant les pratiques médiévales d’écriture et de lecture ; en déclamant les poèmes selon la prononciation historique supposée ; en explorant l’usage des voces — ces syllabes de solmisation — pour reconstituer les formules mélodiques et en plongeant dans les techniques contrapuntiques de l’Ars nova, l’esthétique propre du milieu du 14ème siècle de Philippe de Vitry.

Au cours de cette heure de ce Metaclassique « Encoder », enregistré à l’Abbaye de Royaumont, vous allez pouvoir entendre le chef d’orchestre et compositeur David Chappuis, mais aussi Olivier Bettens, le chanteur et chercheur Vincent Chomienne, l’historienne de la littérature Pascale Bourgain et le chanteuse Eugénie De Mey. Mais, avant d’entendre les versions enregistrées par l’Ensemble Arborescence des motets de Philippe de Vitry, nous allons commencer par écouter un de ces motets dans une version de l’ensemble Sequentia pour que David Chappuis nous explique ce qui l’attriste dans cette façon d’envisager cette œuvre.

Une émission conçue et réalisée par David Christoffel.

Philippe De Vitry - 1

Metaclassique #342 – Chorégraphier

Les chorégraphes peuvent se reconnaître à leurs outils. Mais elles et ils doivent aussi composer avec des cadres, des besoins, des héritages et les tenir pour des dettes. Au lieu de quoi, on les entend quelquefois préférer parler d’inspirations qui est aussi un mot qui revient quand on leur demande de commenter leur parcours du point de vue de leurs collaborations. Outils, dettes, collaborations et styles sont les quatre items sur lesquels la chorégraphe Dominique Brun a interrogé quatre autres chorégraphes dans un cycle de rencontres intitulées « Les Correspondances », proposé en avant-spectacle au Grand R, à l’occasion du 30eme anniversaire de la scène nationale de La Roche-sur-Yon. Vous allez pouvoir entendre, dans l’ordre de leur venue au Grand R : Rachid Ouramdane, Louis Barreau, Joanne Leighton et Nina Laisné. Un panorama de réflexions qui se fera à son tour réflexif par les réflexions en retour que Dominique Brun est venue livrer spécialement pour ce numéro « Chorégraphier » de Metaclassique

Une émission présentée et montée par David Christoffel sur une proposition de Dominique Brun.

L’intégrale des rencontres est disponible sur le site du Grand R : https://www.legrandr.com/actualites/les-correspondances/

Metaclassique #341 – Dorer

Dans son Traité de la peinture, Léonard de Vinci disait que « la beauté découle […] de l’absence de toute disproportion ». Et l’historienne de l’art Marguerite Neveux qui cherche à démystifier le Nombre d’or, en profite alors pour souligner que : « Les termes employés, divine harmonie, divine beauté, divine proportion ou, ailleurs, divine peinture, divine nature, ne recouvrent donc rien de mathématique et ne se réfèrent en aucune manière à une quelconque proportion géométrique. »

Qu’est-ce que ladite proportion a de si divine ? Est-ce que le temps de faire tous ces calculs se décompte du temps qu’il faudrait pour savoir si Bach attendait des retours symboliques à ces jeux à tendance kabbalistique ? Pour ce Metaclassique « Dorer », nous recevons Rémi Schulz. Lecteur avisé des écrits du poète Georges Perec, il s’intéresse depuis plus de vingt ans à ce qu’on appelle la « numérologie bachienne », jusqu’à refaire les calculs, prendre le temps d’en jauger la pertinence et faire à son tour de nouvelles découvertes.

Une émission calculée et arrondie par David Christoffel.

Pour aller plus loin : le blog Quaternite et le billet écrit par Rémi Schulz à la suite de l’enregistrement de l’émission : « du poisson au choeur« 

Metaclassique #340b – Surjouer

Franz Liszt : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le  compositeur | France Musique

Si, aujourd’hui, je parle en faisant bien attention de ne pas mettre un mot plus haut que l’autre, de maintenir ma parole dans des bornes qui la condamne à ne trouver aucun souffle expressif, c’est comme une manière en creux de venir faire la preuve que l’espace de parole qui est ici mis à ma disposition n’en est pas moins un espace borné qui serre mon expression et oblige ma parole à s’aplatir. Et voilà que j’exagère l’aplatissement pour mieux faire entendre qu’une expression fluide, naturelle, avec des reliefs conventionnels chercherait, elle, à faire diversion des bornes, à faire comme si elles n’étaient pas là. Dit comme ça, je me mets dans une forme de sous-jeu, mais surtout d’un surjeu du sous-jeu bien bourré d’apriori sur ce que le temps pris par cette prise de parole a beau prendre son temps, elle est tout de même un temps qui ne peut pas déborder et qui n’a pas beaucoup d’autre moyen pour faire entendre les contraintes de non-débordement qui pèsent sur elle que de surjouer son impossibilité à déborder. Pour ce Metaclassique « Surjouer », vous allez entendre un spectacle à rideau fermé enregistré au Théâtre Kantor de l’ENS de Lyon proposé par Amaryllis Coiffet, Arthur Coussement, Charlotte Guillaume, Cordelia Monge, Emma Fonfrède, Jeanne Wattrelot et Sandra Espinosa Valdès à l’issue d’une master class de création radiophonique dédié à la question du Surjeu. Un spectacle qui sera suivi d’un entretien avec le philosophe poète Filip Bernacik qui a écouté une vingtaine de fois la proposition des étudiant et étudiantes de l’ENS de Lyon et a offert à Metaclassique de redimensionner ses propres réflexions sur le surjeu à l’échelle de la création radiophonique que voici.

Une émission coordonnée et animée par David Christoffel.

Metaclassique #340a – Romancer

En même temps qu’elle peut donner envie d’y projeter des images et d’en faire des poèmes ou des romans, la musique de Chopin semble demander de ne justement pas trop la romancer. Dans Le mythe de Chopin paru aux éditions Classiques Garnier, Irène Calamai fait l’histoire des appropriations littéraires de Chopin : de Félicien Mallefille à André Gide en passant par Théophile Gauthier, l’idéalisation de la musique de Chopin ne va pas sans un effort stylistique spécial qui doit recourir à l’invention littéraire pour se mettre à la hauteur des émotions ressenties. Comme des répliques contemporaines des figures historiques citées par Irène Calamai, vous entendrez deux auteurs dont la pensée est inspirée, quand ce n’est déviée ou repoussée dans leurs limites par leur connaissance de l’œuvre de Chopin : Thierry Martin-Scherrer qui a signé aux éditions Lettres Vives Le fantôme de Chopin et Jean-Yves Clément, auteur d’un Le retour de Majorque paru chez Le Passeur où il se met à la place de Chopin pour évoquer chacun des 24 Préludes opus 28.

Une émission conduite et fabriquée par David Christoffel.

Metaclassique #339 – Frayer

Frotter, friser, fracasser, frouer, frire,… si tous les verbes qui commencent par le son « fr-« , ne disent pas la même chose, leur son d’attaque leur donne en commun une ambiance de fr- fr-… A se demander si au moment où il a choisi de prendre pour nom d’artiste Fred Frith, le guitariste, improvisateur compositeur a voulu jouer de tout ce que l’allitération en fr- venait lui offrir de frottement, de frisure, de fracassement… autant de mots en fr- qui vont guider la discussion et permettre de frayer un chemin d’écoute parmi les dizaines d’albums qu’il a enregistrés ces cinquante dernières années. Fred Frith est l’invité unique de ce numéro « Frayer » de Metaclassique.

Une émission fabriquée et frisée par David Christoffel.

Metaclassique #338 – Fouiller

Femmes musicologues francophones (II) : terrain et archive | IReMus

En 2011, alors que l’American Musicological Society fêtait ses 75 ans, elle invitait la musicologue féministe Suzanne Cusick qui constatait que la société savante était beaucoup plus inclusive des femmes qu’elle ne l’était à sa naissance, tout en restant toujours exclusive d’autres groupes minorisés. Mais en 2011, aucune recherche systématique n’avait été mené sur les activités musicologiques des femmes. Comme si les études de genre devaient prioriser les champs d’activité les plus visibles et s’inquiéter des musiciennes, des compositrices avant de fouiller dans les travaux des chercheuses. En 2025, paraît aux éditions Symétrie un ouvrage collectif intitulé : Femmes en musicologies francophones de Michel Brenet à Solange Corbin, dont Metaclassique reçoit les deux directrices, les musicologues Catherine Deutsch et Isabelle Ragnard.

Une émission conçue et réalisée par David Christoffel.

Femmes en musicologies francophones : de Michel Brenet (1858-1918) à  Solange Corbin (1903-1973) - Yves Balmer, François-Pierre Goy, Henri  Vanhulst, Raphaëlle Legrand, Théodora Psychoyou, Louis Delpech, Catherine  Massip - Societe Francaise De