
En janvier 1984, l’Ensemble Intercontemporain créé par Pierre Boulez quelques années plus tôt, fait l’évènement en interprétant l’œuvre d’une rockstar, Frank Zappa. La presse est sceptique, du moins un critique de Libération, Philippe Olivier n’y voit jamais qu’un exercice de style. Il écrit « un zeste de Stravinsky, de Berg et de Varèse liés par une sauce néoclassique. Il n’y a pas là de quoi effaroucher le mélomane moyen. » Le journaliste va jusqu’à demander à Pierre Boulez si l’EIC qui joue Zappa, ce n’est pas pour lui un gadget. Boulez dit que pas du tout. Les œuvres de Zappa sont intégrées à un programme et il les prend très au sérieux. Et alors que Philippe Olivier demande au chef d’en définir les qualités, il répond « Tant qu’elles n’auront pas été jouées au concert du 9 janvier, je ne peux pas dévoiler leurs qualités. La surprise de l’audition ne doit pas être définie par anticipation. » À lire cette phrase, le critique et musicologue Christian Merlin considère que Boulez botte en touche en même temps que, dans la monographie de presque 700 pages que le critique musicologue consacre à Boulez aux Editions Fayard, un seul paragraphe est consacré à la collaboration entre Boulez et Zappa, qui botte en touche à son tour en résumant l’épisode par ces deux phrases échangées avec le journaliste de Libé. Bref, la collaboration entre Zappa et Boulez n’a pas été le choc des cultures qu’elle semblait annoncer et il semble y avoir à y revenir pour savoir qu’est-ce qui la motivait et quel fantasme a-t-elle réveillé et pour lequel des deux musiciens a-t-elle été si déterminante ou si leurs intérêts respectifs étaient à ce point asymétriques ? Pour cela, nous sommes installés à la Médiathèque Musicale de Paris pour recevoir le chef d’orchestre Daniel Kawka, qui a lui-même dirigé Zappa pour orchestre, et puis le compositeur zapophille Jonathan Pontier, pour qui Zappa n’est rien de moins qu’un musicien des plus inspirants.
Une émission pensée et animée par David Christoffel.
Podcast: Play in new window | Download