Metaclassique #152 – Vadrouiller

Critique musical dès l’âge de 14 ans, compositeur pour les Ballets Russes de Diaghilev, Georges Auric a aussi été un compositeur de nombreuses musiques de films – notamment pour son ami Jean Cocteau –, mais encore président de la Sacem de 1954 à 1978. Malgré des collaborations prestigieuses, un catalogue d’œuvres immense et de grandes responsabilités musicales, Georges Auric ne jouit pas d’une postérité beaucoup plus rayonnage que ça. Il nous faut même aller aux États-Unis pour trouver un spécialiste de l’œuvre d’Auric. Metaclassique reçoit cette semaine Colin Roust de la faculté de musicologie de l’Université du Kansas, auteur aux presses universitaires d’Oxford de la première biographie en anglais consacrée au compositeur, Georges Auric, qui aura vadrouillé d’une fonction à l’autre, jusqu’à composer la musique du film culte La Grande Vadrouille.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #151 – Bercer

Les berceuses doivent être lentes. Les berceuses doivent rester dans des volumes sonores très doux. Pour accomplir leur mission d’apaisement par le son, les berceuses ne doivent pas faire de sauts d’intervalle trop grands ou trop brusques. Plus on cherche à établir les critères musicologiques qui font qu’une berceuse est une berceuse, plus sa fonction d’endormissement risque d’être la seule vertu qu’on peut lui prêter. Au lieu de se laisser enfermer dans une vision quasiment comportementaliste de la berceuse, des étudiants en musicologie de l’Université de Grenoble ont procédé à une collecte. Au moment de mettre en commun les berceuses, ils se sont aperçus qu’elles n’avaient pas toutes été transmises dans l’état où elles avaient été reçues. Alors, à force de laisser miroiter une loi universelle des berceuses, une fiction s’est petit à petit installée : et si un État venait à vouloir créer la berceuse parfaite, capable d’apaiser, voire d’endormir, l’ensemble de la population. Comme l’absurde de la situation tend à prouver qu’il n’y a justement pas de critère formel pour distinguer si définitivement une berceuse d’une non-berceuse, cette émission est un documentaire, puis une fiction et, dans le même temps, une exploration des limites d’un genre d’une réputation très douce qui ne lui a jamais empêché de colporter des histoires sombres, parfois même proches de l’horreur.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #150 – Substituer

Modification in ion source. Photograph taken June 2, 1959. Bevatron-1817.

Quand on met en scène trois sœurs, la convention veut qu’on propose de répartir les trois rôles entre trois chanteuses : au lieu de quoi, quand il a fait un opéra en 1998 à partir du roman Trois Sœurs de Tchekhov, le compositeur Peter Eötvös a préféré mobiliser trois chanteurs, contreténors. 25 ans plus tôt, au début des années 1970, le même compositeurs avait composé une pièce Harakiri pour deux flûtes traditionnelles, des flûtes shakuhachi qu’à l’occasion, il remplace volontiers par des clarinettes basses. En retraçant, avec lui, son parcours musical, ce numéro « Substituer » de Metaclassique va tenter de montrer comment l’écriture musicale du compositeur Peter Eötvös se joue des styles pour forger des alliages sonores tout de même très personnels à force de jeux de substitutions.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #149 – Raisonner

Il y a trois cents ans, dans les années 1720, des médecins cherchaient à pister rationnellement les bienfaits de la musique. Les discours se multipliaient alors pour valoriser un usage raisonné de la musique et encourager un recours médical aux beaux sons. Alors que le siècle des Lumières semble avoir promu les plaisirs de musique au rang de moyens rationnels d’atteindre ou de conserver les meilleures dispositions de corps et d’esprit, les scènes d’opéra semblent de plus en plus excitées à faire trébucher leurs protagonistes pas loin de la folie. Pour mettre en dialogue ces deux façons de raisonner la musique au 18è siècle, nous recevons Philippe Sarrasin Robichaud qui étudie, entre la Sorbonne et l’Université du Québec à Trois-Rivières, les discours sur les effets de la musique et Marie-Cécile Schang qui enseigne à l’Université de Bretagne-Sud et qui s’est intéressé aux personnages d’opéra qui intéressent d’autant plus les dramaturges des années 1780, qu’ils sont sur le point de perdre la raison.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #148 – Electriser

(c) Margherita Caprili

Quand on choisit de jouer de la guitare électrique, ce n’est pas forcément pour jouer du Mozart ou du Vivaldi. Mais quand on choisit de jouer de la guitare électrique, on n’est pas non plus tenu de se priver de jouer les musiques d’avant l’électricité. D’ailleurs, quand on joue de la guitare électrique, on ne devrait pas se sentir obligé de secouer la tête et de faire du rock. Au cours de ce numéro de Metaclassique, vous allez entendre successivement quatre guitaristes électriques : Noël Akchoté, Christelle Séry, le bassiste Kasper T. Toeplitz et Julien Desprez. Si leurs univers musicaux sont très caractéristiques et donc très différents les uns des autres, ils ont ceci en commun de désobéir à l’héritage rock de la guitare électrique et de dessiner leur évolution musicale dans une réflexion sur leur instrument. 

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #147 – Foncer

« On ne doit pas oublier que la musique comporte plusieurs niveaux d’écoute. Elle peut être sensuelle et n’être que cela. Son effet sur le corps est alors capable d’être très puissant, sinon même hypnotique. Elle sait aussi exprimer toutes les facettes de la sensibilité. Mais elle est probablement seule à susciter parfois un sentiment très particulier d’attente et d’anticipation du mystère, d’étonnement, que suggère la création absolue, sans référence à quoi que ce soit, tel un phénomène cosmique. »

Même si on ne dirait pas, ces phrases viennent d’un compositeur polytechnicien. Iannis Xenakis était donc compositeur, mais aussi architecte et en recherche constante d’une liaison avec la nature. Et comme sa musique est alors en prise avec de très savants calculs, il reste à éclaircir comment mathématiques et nature arrivent à concourir dans ses formes sonores : est-ce que l’appel de la nature l’amène à tordre ou bien redresser son rapport aux nombres ?

A l’occasion du centenaire de sa naissance il y a six mois ou dans six mois, nous réunissons dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information : la fille du compositeur : Mâkhi Xenakis et un spécialiste qui compte aussi parmi ses ardents défenseurs de longue date, le musicologue Makis Solomos. Au cours de l’émission, nous mobiliserons aussi l’expertise de Nicolas Viel, auteur de l’essai La musique et l’axiome aux éditions Delatour, il reviendra sur le statut particulier que Iannis Xenakis avait au sein du groupe de musique algorithmique, à la fin des années 1950.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #146 – Sublimer

D’un côté, de bons concepts ne peuvent pas suffire à faire de la bonne musique. D’un autre côté, la hiérarchie entre les grands compositeurs historiques respectent assez scrupuleusement la consistance du contenu intellectuel de telle démarche. À force de creuser ces ambiguïtés, le compositeur Morton Feldman pense que l’intellectualité n’est pas pour rien dans l’élaboration de la musique, tout en ouvrant l’idée d’intellectualité à la poésie. Mais, au risque d’en gâcher la portée pratique, il se garde de définir trop précisément la poésie. De même avec la « sublimation », un maître mot récurrent dans les master classe de Morton Feldman : au fil des occurrences, l’idée de « sublimer » gagne une grande importance, sans tout à fait recevoir une définition stricte. C’est donc par ces recherches de poésie, de sublimation que la musique est portée Au-delà du style. Au-delà du style est le titre de la traduction française des entretiens et masterclass de Morton Feldman publié par les éditions de la Philharmonie de Paris. Et c’est grâce à leur soutien que Metaclassique vous offre une adaptation radiophonique de ces entretiens et masterclass avec, dans le rôle de Morton Feldman, le comédien Fabrice Fara, la voix française de Sheldon Cooper, le héros de la série Big Bang Theory.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #145 – Evoluer

Est-ce que l’histoire de la musique serait différente si les dinosaures avaient survécu plus longtemps ? Est-ce que les sons graves sont aux contrebasses ce que les feuillages en hauteur sont aux longs cous des girafes ? Pour la préservation de quelle espèce de musiciens la Sonate peut-elle être un avantage ? Il est bizarre, dommage et peut-être même sérieusement naze que les théories de l’évolution n’aient donné à la musicologie l’envie d’élargir ses questions. Au début du 20ème siècle, le musicologue Jules Combarieu a avancé un certain nombre de questions musicales dans les perspectives évolutionnistes. En vrai, Jules Combarieu a été professeur de lettres au lycée de Cahors, puis au lycée Louis-le-Grand avant de devenir inspecteur de l’académie de Paris, après avoir fondé la Revue d’histoire et de critique musicales qui est vite devenue la Revue musicale. Pour ce numéro de Metaclassique, Jules Combarieu est surtout l’auteur, en 1906, de La musique : ses lois, son évolution, un ouvrage proposé à huit étudiants de l’ENS de Lyon comme le point de départ d’une variation radiophonique sur l’évolutionnisme en musique. Enregistrée en public au Théâtre Kantor à Lyon, cette fantaisie radiophonique commence comme un documentaire animalier pour continue de manières diverses, variées et, quelquefois, recroisées. Avec, par ordre d’apparition : Julen Hiriart, Justine Calle, Joséphine Tredez, Alexandre Le Pors , Caroline Hildebrandt, Thomas Bingham, Ambre Digonnet et Manon Rech.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #144 – Immuniser

Il est quelquefois reproché aux artistes de vivre dans leurs bulles. Là où tout est pourtant très bien organisé pour que, casques immersifs et autres isolations phoniques pour preuve, celles et ceux qui écoutent se trouvent aussi dans des bulles, que Peter Sloterdijk appellent des « phonotopes ». Dans la trilogie des Sphères, le philosophe réfléchit à ces audiosphères comme autant d’isolats qui organisent des démarcations entre dedans et dehors, c’est-à-dire des systèmes immunitaires. Plus précisément qu’un refuge, l’individu en-capitonné de sons vient donc trouver dans la musique une sorte d’immunité. D’autant qu’en plus de cerner les contours des individus, la musique les appelle à écouter les intermittences de leurs fondements. Dans le livre Tu dois changer ta vie, Peter Sloterdijk replace la virtuosité dans une histoire de l’ascèse qui laisse entendre les gammes comme autant d’exercices spirituels, l’effort pour s’améliorer venant alors surplomber toutes les expressions artistiques. Le philosophe Peter Sloterdijk a reçu les micros de Metaclassique à son domicile à Berlin.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #143 – Voter

Au cours de la dernière édition du festival ManiFeste organisé par l’IRCAM, le pianiste compositeur improvisateur Alexandros Markeas a donné un concert intitulé Music of Choices, en référence à la Music of Changes dans laquelle, en 1951, John Cage recourait au Yi King pour déterminer les sons qui devaient être exécutés. À la place des jeux de tirage au sort imaginés par John Cage pour Music of Changes, Alexandros Markeas a pensé pour Music of Choices faire voter le public au cours du concert : depuis une application pour smartphone, chacun pouvait donner son avis : « sur des questions comme « Voulez-vous une musique optimiste ? oui ou non ? », « Que buvez-vous le matin : du thé, du café ou du chocolat ? » « Etes-vous antispéciste ? » À l’arrivée, les modalités participatives du concert étaient si élaborées qu’elles offraient une occasion rêvée pour Metaclassique d’interroger un public sur l’intérêt de voter en écoutant de la musique. Vous allez donc pouvoir entendre : le pianiste compositeur improvisateur Alexandros Markeas, ainsi que six personnes qui étaient dans le public. Dans l’ordre d’apparition dans l’heure qui vient : Maël Bailly – Adriana Soulele – Pierre Senges – Omer Corlaix – Filip Bernacik – Marie-France Hilly.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

https://hemisphereson.com/public-vs-personnes/
Pour prolonger la réflexion sur la participation du public

Metaclassique #142 – Regarder

Au moment de s’installer dans la salle avant le début d’un récital de piano, on peut toujours se poser la question : faut-il se mettre côté jardin pour pouvoir profiter du spectacle des mains ? Il peut même y avoir débat entre ceux qui consomment la musique avec les yeux et ceux qui savourent le concert les yeux fermés comme s’ils ne voulaient jouir de rien d’autre que de la musique. Ce qui veut dire qu’il ne faudrait justement pas oublier ceux qui restent agnostiques ou qui préfèrent ne pas trancher la question parce qu’ils se sont bien aperçus que, selon les moments, ils pouvaient se laisser happer du regard alors qu’ils peuvent aussi privilégier de fermer les yeux quand l’interprète en fait trop ou quand la musique semble leur demander une introspection qui peut se croire plus profonde quand elle se fait purement auditive. Pour ce numéro « Regarder » de Metaclassique, nous accueillons Matthieu Guillot qui a publié aux Presses universitaires de Provence, un essai intitulé : Conflits de l’oreille et de l’œil dans l’œuvre musicale. L’écoute intériorisée.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #141 – Ancrer

Il y a quelques semaines, Metaclassique inaugurait un dialogue avec le Centre Européen de Musique, dans un exercice de vénération de sa tutélaire : la chanteuse, compositrice, pianiste, pédagogue, ambassadrice, pour ne pas dire muse : Pauline Viardot. Nous allons aujourd’hui poursuivre ce dialogue en cherchant à « ancrer » le lieu que sera le Centre Européen de Musique qui doit s’installer d’ici quelques années à Bougival dans les Yvelines. Le verbe « ancrer » ne va donc pas seulement servir de fil rouge, il va pouvoir agir comme un agent de liaison entre les plus grands espoirs portés par le CEM de faire de la musique l’ancrage d’une « nouvelle renaissance européenne » ’ et : la manière dont ce projet va prendre forme concrètement.

D’où un panel d’invités tout à fait équitable entre les porteurs de fondements, d’idées, d’ancrages conceptuels et : les bâtisseurs. Enregistré dans le Salon Mado Robin de l’Opéra-Comique, cette émission accueillera – par ordre d’apparition – la secrétaire générale de l’organisation non-gouvernementale « Europa Nostra » : Sneška Quaedvlieg-Mihailović, le philosophe et membre du conseil scientifique du Centre Européen de Musique Jean-Michel Besnier, et puis : côté bâtisseurs garants de l’ancrage matériel du projet : deux opérateurs décisifs dans la réalisation du Centre Européen de Musique à Bougival : Philippe Gimet, qui dirige Operel, qui s’est spécialisé dans l’accompagnement de projets notamment dans le domaine du tourisme culturel (avec qui nous échangerons sur les croisements et possibles revers de croisements entre les mots de la culture et les mots du tourisme). Et puis : l’architecte Chetil Thorsen qui est actuellement à Oslo et dont les propos seront traduits par le directeur de Snohetta en France, Christophe Dalstein.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.