Metaclassique #161 – Multiplier

S’il y a bien un instrument qu’on entend souvent tout seul, c’est le piano . Et quand il joue avec orchestre, c’est le plus souvent pour apparaître à nouveau en solitaire. Alors qu’en sortant de la vision facilement romantique du pianiste virtuose, on peut imaginer y mettre plus de deux mains. Et comme l’accumulation peut tourner à la surenchère, on peut même se demander jusqu’où on peut aller. Metaclassique accueille deux compositrices : Graciane Finzi et Lucie Prod’homme qui partagent le point commun d’avoir composé pour 4 mains tout en ayant des visions différentes du piano collectif. Cette émission a été enregistrée en public dans le cadre de la Première Biennale de piano collectif au Conservatoire de Saint-Denis (92) en association avec la Maison de la Musique Contemporaine et sa chargée de veille, Anabelle Miaille.

Metaclassique #160 – Ossifier

Quand on parle musicalement des os, il y a au moins deux approches : le squelette comme source de perceptions musicales ou bien les os comme source de sons. Dans un précédent numéro de Metaclassique, sous le titre « Toucher », nous avions détaillé comme les os pouvaient résonner, être conducteur du son, comment on pouvait entendre par les os. Dans ce numéro « Ossifier », nous allons chercher comment les os peuvent produire de la musique et, plus fondamentalement encore, régénérer l’imaginaire musical. Pour cela, nous accueillerons un duo de musiciens : Mirtha Pozzi* et Pablo Cueco qui jouent sur des mâchoires d’ânes ou avec des carapaces de tortue, nous rendrons visite au compositeur Kryštof Maratka qui construit des trans-instruments archaïques pour d’autant mieux développer une sensibilité paléosympathique à la musique – et : nous recevons tout d’abord, Julien Boutonnier qui fait paraître au Dernier Télégramme, Les os rêvent, un ouvrage d’ostéonirismologie, une science « dont l’objet est d’identifier et de classer les rêves » – non pas les rêves que font les humains, mais bien les rêves des os.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

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Metaclassique #159 – Ambiancer

La musique ambient est presque toujours nappeuse. La musique ambient est souvent enveloppante. La musique ambient est peut-être même cosmique. On dirait que la musique ambient est enroulée sur elle-même et continue de s’enrouler jusqu’à agglutiner des musiques ancestrales elles-mêmes remises en route grâce aux technologies sonores dernier cri. La musique ambient entre en résonnance avec l’univers tout en étant high tech. Parce qu’à force d’aligner les adjectifs pour qualifier la musique ambient, à force de faire tourner ses caractères les uns autour des autres comme dans un nuage, la musique ambient semble sur le point de complètement mélanger tout ce qui pourrait la qualifier. D’autant plus qu’entre le moment où elle est repartie loin en arrière se chercher des origines millénaires et sa renaissance sur les plateformes de streaming à consommer en solitaire, il paraît qu’elle est devenue de plus en plus apocalyptique. Metaclassique voudrait raison garder et reçoit, pour un numéro « Ambiancer », Jean-Yves Leloup, auteur aux éditions Le mot et le reste d’une encyclopédie anthologique dédiée à l’Ambient music.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #158 – Bourdonner

Le bourdon est commun à la cornemuse, au chant diphonique, à la musique ambient, au chant grégorien ou encore aux ragas indiens. Au cours de ce numéro « Bourdonner » de Metaclassique, nous recevons successivement quatre invités à qui le mot « universel » peut échapper de temps en temps : le musicologue David Fiala pour savoir pourquoi le bourdon est fondamental sans être pour autant l’essentiel dans le chant grégorien, le sitariste Michel Guay pour expliquer comment les harmonies de la musique indienne regorgent d’un bourdon volontiers comparée à l’énergie vitale cosmique, la traductrice Fanny Quément à propos des possibles hésitations, dans le passage de l’anglais au français, entre les mots bourdon, drone, nappe… Et nous recevons encore, en fin d’émission, Martine Bardon pour évoquer les travaux de son mari Paul Bardon sur le faux bourdon dans le Requiem de Mozart.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #157 – Compléter

Manuscrit inachevé du « Lacrimosa » du Requiem de Mozart

Quand on a du mal à admettre qu’une œuvre inachevée est donc totalement une œuvre, c’est bien par respect pour l’intention du créateur qui n’a pu réaliser l’œuvre jusqu’au bout. Parce qu’il faut tout de suite préciser que l’inachèvement n’est pas toujours volontaire. Et quand il n’est pas volontaire se pose la question de compléter : le faut-il vraiment ? Et, si oui, jusqu’où peut-on mimer le style du compositeur ? À quel point faut-il, comme dans la restauration d’un tableau, laisser apparente la frontière entre la partition originale et la complétion ?

Pour apporter des réponses ou, à défaut, des avis éclairés sur ces question, ce numéro « Compléter » de Metaclassique accueille Pierre-Emmanuel Lephay qui a consacré une thèse soutenue à l’Université de Strasbourg, sous le titre « Que faire d’une œuvre inachevée ? » et le compositeur et chef d’orchestre Benjamin Garzia, chercheur associé en charge du fonds Mahler de la Bibliothèque La Grange Fleuret.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée en public à la Bibliothèque La Grange-Fleuret.

Metaclassique #156 – Ordonner

Les orchestres militaires jouent de la musique militaire. Mais les orchestres militaires étant des orchestres, ils peuvent aussi jouer de la musique pas seulement militaire. Si la musique peut bien émanciper les musiciens militaires de leurs rôles militaires, c’est peut-être parce qu’à l’origine, leur fonction était beaucoup moins musicale que stratégique : les tambours et les clairons servaient à donner l’alerte, à rapatrier les troupes, à ordonner la charge. Avant la radio et les systèmes modernes de télécommunication, les soldats au front communiquaient par des ordres et sonneries. Et comme ces ordres et sonneries ont une signification, comme ils relèvent d’une signalétique sonore, un mot a été inventé pour éviter toute confusion avec la musique : la « céleustique ». Par céleustique, on entend donc l’art de transmettre des ordres par des signaux sonores. Pour interroger les frontières entre sonneries et musique, Metaclassique reçoit Thierry Bouzard qui enseigne l’histoire de la musique militaire au COMMAT, le Commandement des Musiques de l’armée de terre et qui signe, aux éditions L’Harmattan, le livre Histoire des signaux d’ordonnance.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #155 – Pulser

Dual-axis time display showing beam loss: 0.5 m-sec/cm horizontal; 6 cm vertical for 2 m-sec. Photograph taken August 19, 1964. Bevatron-3616.

L’année où Maelzel dépose le brevet du métronome, en 1816, Laënnec invente le stéthoscope. C’est-à-dire qu’au moment où un instrument offre les moyens de mécaniser le tempo, un autre apparaît pour mettre sous écoute « médiate » les pulsations cardiaques. Que l’on parle d’une musique qui « pulse » et on entend une musique qui se veut plus vivante que les autres sous prétexte qu’elle souligne ses pas – à moins qu’elle ne soit, alors, une musique carrément martiale. Alors qu’en écartant l’attention d’une seule question de tempo, en superposant deux notes de hauteurs très rapprochées, peut se dégager du frottement harmonique : un battement, peut-être une autre sorte, plus granulaire, de pulsation. D’où l’envie de consacrer un plein numéro à la pulsation, à démêler ou encore mieux emmêler la pulsation dans le grain et la pulsation striante, celle du métronome. 

Enregistré dans l’espace musique de la Bibliothèque Publique d’information au Centre Pompidou, ce numéro de Metaclassique va donc creuser la pulsation. Et comme ces questions impactent directement les manières de se projeter dans le verbe, nous recevons la poètesse Anna Serra qui porte l’idée et la dynamique d’une « poésie pulsée* », le compositeur Florent Caron Darras dont la musique pulse sous des échelles qu’il préfère varier entre elles et les accordéonistes Fanny Vicens et Jean-Etienne Sotty qui forment le duo XAMP, avec des accordéons augmentés qui descendent volontiers en-dessous du conventionnel demi-ton… et que l’on entend d’abord jouer Wander Steps, une pièce composée pour eux par Pascale Criton.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

* cf. Note Poésie Pulsée, in Je suis amoureuse, ed. Lanskine, 2019.

Metaclassique #154 – Frémir

Le verbe « Frémir » est souvent défini comme un verbe actif : frémir veut dire : « s’agiter avec un bruissement. » Mais le verbe s’emploie aussi bien pour décrire un tremblement subi : frémir veut dire alors : « être agité d’un faible mouvement d’oscillation ou de vibration qui produit un son léger, confus ». Par exemple, l’eau qui frémit avant d’entrer en ébullition peut bien passer pour une eau qui subit les effets de la chaleur : tout en perdant son calme, au moment de bouillir, c’est tout de même bien quelque chose d’elle qui semble faire agitation. Le frémissement passif n’est peut-être jamais loin de basculer dans la franche ébullition, active, sans ambiguïté. En 2019, le compositeur Juan Arroyo a composé JH, tribute to Jimi Hendrix – une pièce pour guitare seule créée par le guitariste Omar Nicho.

C’est avec la complicité de Bastien Gallet que Metaclassique a proposé à Omar Nicho de donner l’œuvre en public et à Juan Arroyo de venir la commenter. Et c’est le moment venu que le compositeur a décidé que ce numéro serait scellé sous le titre verbe : « Frémir ». Un numéro de Metaclassique qui a donc été enregistré en public dans les locaux du collectif de création et de production artistique La Centrale 22, qui se terminera à la manière d’un récital, avec des pièces de Villa-Lobos et Jean-Sébastien Bach et qui commence par trois mouvements de JH, tribute to Jimi Hendrix de Juan Arroyo.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #153 – Ouvrir

Pour ouvrir un opéra, l’usage veut que l’on commence par une « Ouverture ». Si bien que l’ouverture n’est pas tout à fait un opéra, n’est peut-être même pas réellement un genre musical. Quoique l’ouverture est suffisamment un genre pour avoir des critères formels repérables, variables d’un pays à l’autre, évolutifs d’une époque à une autre. Mais alors qu’elle semble tout faire pour avoir la souplesse d’une musique fonctionnelle, l’ouverture développe des factures assez consistantes pour passer d’un contexte à un autre jusqu’à parfois changer de fonction sans même changer de forme.  Dans ce numéro « Ouvrir » de Metaclassique, nous allons évoluer de la fin du xviiè siècle au début du xixè avec le musicologue Louis Delpech de l’Université de Zurich qui signe aux éditions Brepols le livre Ouvertures à la française qui trace les migrations du genre dans l’espace germanique entre la fin du xviiè et le début du xviiiè siècle et le musicologue et claveciniste Matthieu Franchin qui termine en Sorbonne  une thèse sur le répertoire musical qui accompagnait les spectacles de la Comédie-Française de sa création, en 1680, à la Révolution française. Pour ouvrir ce numéro « ouvrir », voici une ouverture de Georg Philipp Telemann.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #152 – Vadrouiller

Critique musical dès l’âge de 14 ans, compositeur pour les Ballets Russes de Diaghilev, Georges Auric a aussi été un compositeur de nombreuses musiques de films – notamment pour son ami Jean Cocteau –, mais encore président de la Sacem de 1954 à 1978. Malgré des collaborations prestigieuses, un catalogue d’œuvres immense et de grandes responsabilités musicales, Georges Auric ne jouit pas d’une postérité beaucoup plus rayonnage que ça. Il nous faut même aller aux États-Unis pour trouver un spécialiste de l’œuvre d’Auric. Metaclassique reçoit cette semaine Colin Roust de la faculté de musicologie de l’Université du Kansas, auteur aux presses universitaires d’Oxford de la première biographie en anglais consacrée au compositeur, Georges Auric, qui aura vadrouillé d’une fonction à l’autre, jusqu’à composer la musique du film culte La Grande Vadrouille.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #151 – Bercer

Les berceuses doivent être lentes. Les berceuses doivent rester dans des volumes sonores très doux. Pour accomplir leur mission d’apaisement par le son, les berceuses ne doivent pas faire de sauts d’intervalle trop grands ou trop brusques. Plus on cherche à établir les critères musicologiques qui font qu’une berceuse est une berceuse, plus sa fonction d’endormissement risque d’être la seule vertu qu’on peut lui prêter. Au lieu de se laisser enfermer dans une vision quasiment comportementaliste de la berceuse, des étudiants en musicologie de l’Université de Grenoble ont procédé à une collecte. Au moment de mettre en commun les berceuses, ils se sont aperçus qu’elles n’avaient pas toutes été transmises dans l’état où elles avaient été reçues. Alors, à force de laisser miroiter une loi universelle des berceuses, une fiction s’est petit à petit installée : et si un État venait à vouloir créer la berceuse parfaite, capable d’apaiser, voire d’endormir, l’ensemble de la population. Comme l’absurde de la situation tend à prouver qu’il n’y a justement pas de critère formel pour distinguer si définitivement une berceuse d’une non-berceuse, cette émission est un documentaire, puis une fiction et, dans le même temps, une exploration des limites d’un genre d’une réputation très douce qui ne lui a jamais empêché de colporter des histoires sombres, parfois même proches de l’horreur.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #150 – Substituer

Modification in ion source. Photograph taken June 2, 1959. Bevatron-1817.

Quand on met en scène trois sœurs, la convention veut qu’on propose de répartir les trois rôles entre trois chanteuses : au lieu de quoi, quand il a fait un opéra en 1998 à partir du roman Trois Sœurs de Tchekhov, le compositeur Peter Eötvös a préféré mobiliser trois chanteurs, contreténors. 25 ans plus tôt, au début des années 1970, le même compositeurs avait composé une pièce Harakiri pour deux flûtes traditionnelles, des flûtes shakuhachi qu’à l’occasion, il remplace volontiers par des clarinettes basses. En retraçant, avec lui, son parcours musical, ce numéro « Substituer » de Metaclassique va tenter de montrer comment l’écriture musicale du compositeur Peter Eötvös se joue des styles pour forger des alliages sonores tout de même très personnels à force de jeux de substitutions.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.