Metaclassique #192 – Chauffer

Il paraît bien naturel – mais presqu’ennuyeux d’évidence – de rabâcher que la musique peut émouvoir. Il pourrait paraître un peu plus affriolant – quoique pas moins évident – d’aller en déduire que la musique peut procurer quelques émois et pourquoi pas stimuler de franches excitations. Si bien qu’il paraît tout aussi naturel – même si plus ou moins efficace – de se confectionner quelques playlists exprès pour accompagner ses ébats.
Par contre, il carrément plus sordide d’aller jusqu’à commercialiser des compilations exprès pour aider les consommateurs à chauffer leurs partenaires et les conduire sur des scénarios sexuels potentiellement très standardisés. À moins qu’il faille taxer de purisme musical toutes celles et ceux qui n’admettent de tapisser leurs moments érotiques uniquement de musiques non-industrielles. Parce qu’au fond, la perspective que des musiques puissent être plus érogènes que d’autres pourrait, au passage, rebattre les hiérarchies entre les genres musicaux, même si ladite perspective semble d’abord attester que certaines musiques ménagent justement l’explosion de leur climax au point de, peut-être, colporter les mécanismes de la domination masculine.

C’est en public et avec le public réuni à la librairie Tschann que nous allons chercher à démêler ou mieux ré-emmêler ces questions avec le musicologue Esteban Buch, auteur de l’essai Playlist. Musique et sexualité publié par les éditions MF. Avec la participation de Michèle Tosi, Brigitte Lalvée et Bastien Gallet.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #191 – Tempérer

1917 est une date pivot dans l’histoire de l’harmonie musicale à cause d’un ingénieur acousticien nommé William Braid White. Né en 1878, formé à Cambridge, White avait émigré aux Etats-Unis au moment de ses vingt ans pour devenir le rédacteur technique de la Music Trade Review de New York, qui lui donnera une stature assez importante pour jouer un rôle déterminant dans l’établissement du la à 440 Hz comme étalon du diapason… Mais, surtout et avant de s’intéresser au diapason, White a publié en 1917, un traité sur l’accordage moderne des pianos. Depuis, on peut le ternir pour celui qui a fondé la science de l’accordage de piano en tempérament égal et qui a œuvré pour installer ledit tempérament égal comme un standard, reléguant à l’imperfection tout tempérament inégal. C’est donc en référence à son livre sur l’accordage du piano, que Ross W. Duffin voit dans l’année 1917 un tournant dans l‘histoire de l’accordage du piano. Ross W. Duffin est lui-même professeur émérite de musique à Cleveland, où il a consacré les premiers temps de sa retraite à composer une sorte de pamphlet musicologique, sous le titre Comment le tempérament égal a détruit l’harmonie (et pourquoi vous devriez vous en préoccuper). Tel est le titre choisi par le pianiste Ziad Kreidy qui, avec Bernard Bessone, en fait paraître en 2022 la traduction en français aux éditions Symétrie. Ziad Kreidy est l’invité de Metaclassique où nous recevrons aussi Florent Ploquin qui a publié aux éditions Aedam Musicae Clavier bien tempéré et justesse numérique qui réactualise les questions d’accordage du Clavinova à nos jours.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #190 – Invertébrer

Emmanuelle Lafon dans « L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer » de Copi, mis en scène par Thibaud Croisy. Crédit photo : Martin Argyroglo.

Une prof de piano qui s’appelle Garbo dans une pièce de théâtre de 1972 qui s’intitule L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer,n’a pas forcément grand-chose de Greta Garbo. Il reste qu’on ne peut pas faire l’impasse sur le fait que l’auteur de la pièce, Copi a appelé son personnage du nom de l’actrice hollywoodienne mythique, Greta Garbo. Mais en plus, il en fait une prof de piano, ce qui peut sembler très déterminant et à la fois pas si important pour comprendre le personnage. À écouter le texte de L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, toute la question de Copi est peut-être musicale à l’endroit de savoir en quoi ses personnages peuvent tellement s’invertébrer ? Pour enquêter sur cette prof de piano hors-norme qui évolue sous le nom d’une actrice mythique, nous avons interrogé la comédienne Emmanuelle Lafon qui interprète la Garbo de Copi à la scène et s’en inspire librement au micro de Metaclassique, la chercheuse Isabelle Barbéris qui a consacré une thèse au théâtre de Copi, mais d’abord, le metteur en scène de la version 2022 de L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et qui en a permis la republication aux éditions Christian Bourgois, Thibaud Croisy.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #189 – Converser

Quand un compositeur converse avec un musicologue, il ne fait donc pas que converser : il peut faire attention à choisir des considérations susceptibles de l’intéresser, il peut aussi mettre un point d’honneur à lui réserver des surprises, mais il peut surtout lui livrer tout ce qu’il sait qu’il a déjà dit mais dont il voudrait profiter de l’occasion pour mieux le dire. Alors que les éditions de la Philharmonie de Paris font paraître Conversation imagée 2019-2021 du compositeur Georges Aperghis et du musicologue Nicolas Donin, Metaclassique a proposé au compositeur de converser sur ses conversations avec le musicologue pour en faire autant avec lui pour ensuite faire un montage en double hélice de nos conversations séparées sur les conversations réunies. Exemples de double hélice : l’escaler hélicoïdat du château de Chambord, la structure secondaire de l’ADN bicaténaire et, maintenant : ce numéro 189 de Metaclassique.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #188 – Sourdiner

Avant que le son ne soit électrisables, avant que des signaux sonores ne puissent être manipulés par des filtres et autres plug-ins, il y avait déjà des ustensiles pour modifier le son de certains instruments de musique. Avant même qu’Erik Satie ne mettent des feuilles de papier entre les cordes d’un piano pour en altérer le son naturel, avant même que l’on invente les pédales pour varier les modes de résonances des cordes, les trompettistes ont utilisé des sourdines. Et maintenant que les outils informatiques sont venus donnés une évidence à l’idée qu’un son, ça se transforme au moment même où ça se diffuse, il reste parfois l’idée reçue qu’une sourdine ne sert qu’à enfouir le son d’instruments suspectés d’être trop forts ou trop éclatants. Alors qu’au-delà d’un enfouissement du son, c’est bien de ses potentiels de changement de couleur dont nous allons parler dans ce numéro « Sourdiner » avec le trompettiste sourdinophile Matthias Champon et le tromboniste et mathématicien Benny Sluchin. Avec la participation du compositeur Benoît Menut et de l’ingénieur du son Christophe Hauser.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à La Générale dans le cadre de la journée TT-node « Mot, de l’écriture et de la radio ».

Metaclassique #187 – Ensoleiller

Quinze ans après sa mort, le chanteur Luciano Pavarotti se voit consacré par la gloire hollywoodienne avec une étoile sur le Walk of Fame. Pour chercher le pourquoi de la force émotionnelle de la voix iconiquement ensoleillée du ténor superstar, Metaclassique vous propose une traversée du colloque L’émotion chez Luciano Pavarotti qui s’est tenu les 29 et 30 avril 2022 aux Salons Curnonsky à Angers, à l’initiative de l’association Dire et Chanter Les Passions. Vous allez pouvoir entendre, à l’invitation de Marc Jeannin, par ordre d’apparition : Gilles Demonet, Denis Huneau, Christophe Fel, Danièle Pistone, Sébastien Guèze, la mélomane fictive Francine Leduc, Mi-Kyung Kim et David Pouliquen.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #186 – Héroïser

Voir un grand orchestre symphonique dépourvu de chef d’orchestre interpelle. On peut imaginer que l’orchestre était lassé d’avoir un des leurs se placer au-dessus de la mêlée. À moins que ce ne soit le chef qui avait peur de devenir hautain, dédaigneux, voire acariâtre. Quoique les considérations morales n’y sont peut-être pour rien : si ça s’trouve, il y a eu un jour où le chef était en retard, où l’orchestre a commencé à jouer sans lui et s’en est trouvé tellement mieux soudé que c’est aussitôt devenu la nouvelle manière de jouer.

Ce qui est sûr, c’est que la place du chef d’orchestre est bien une question d’imaginaire. Comme souvent avec les figures d’autorité, il peut être question de charisme et pourquoi pas même d’héroïsme. Accueilli à La Cassette, ce numéro de Metaclassique propose de mettre en dialogue un sociologue et sémiologue, Olivier Fournout, auteur du livre Le nouvel héroïsme aux Presses des Mines avec David Grimal, le directeur artistique de l’Ensemble Les Dissonances qui est justement un orchestre sans chef d’orchestre et qui arrive quand même à jouer ensemble.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #185 – Enniaiser

Pour parler de la romance, on pourrait dire qu’elle apparaît au 18ème siècle et qu’elle se distingue de l’ariette en ce qu’elle a toujours un accompagnement. Mais au lieu d’une observation formelle, on pourrait tenter de faire quelques ponts généalogiques et retenir que les chansons sont peut-être une version moderne des romances de l’époque romantique qui étaient elles-mêmes des versions actualisées des chansons des troubadours. À moins de chercher à penser aussi bien la forme que les ramifications historiques de la romance en partant d’une impression tenace : pourquoi la romance passe-t-elle à ce point pour un genre niais ? Est-ce que sa niaiserie tient au fait qu’on a tout oublié de son contexte ou est-ce qu’elle lui est attachée plus intrinsèquement ? Pour faire avancer la question, nous avons interrogé trois spécialistes de la question, par ordre d’apparition : Clotilde Verwaerde, Vincent Vivès et Florence Launay. Quitte à repartir des chansons de troubadour, telles qu’on a pu les chanter au milieu du 20ème siècle.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #184 – Eclairer

Plutôt qu’un opéra, La Flûte enchantée est plus précisément un « singspiel ». Plutôt qu’une œuvre à symboles, La Flûte enchantée est peut-être initialement un spectacle d’inspiration shakespearienne. Et au lieu d’un ouvrage maçonnique, La Flûte enchantée est certainement un jeu taillé sur mesure pour la troupe de son librettiste Schikaneder. Après une fouille des sources en Angleterre, en Italie, en Allemagne et en Autriche, la musicologue Sophie Zadikian a livré aux éditions Aedam Musicae, l’essai La Flûte enchantée, fiction et réalités et vient éclairer ce 184ème numéro de Metaclassique qui est aussi l’occasion d’écouter les airs de La Flûte enchantée d’une popularité qui est même passée par des horloges à flûte.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #183 – Bourgeonner

Pour percer dans la musique, on peut se muscler de psychologie positive, chercher des recettes efficaces, tout faire pour marquer les consciences, utiliser des engrais qui permettent d’avoir des formes musicales assez standardisées pour, d’office, séduire le plus grand nombre qui, en général, est justement le nombre de ceux qui se laissent prendre aux formules mainstream. Ou alors, on peut choisir de manger bio, de se frotter à d’autres singularités, de composer avec ses zones de fragilité et d’affiner ses manières tout en élargissant son spectre d’attention.

Avec le soutien de la SACEM, Le Cerisier est un projet d’accompagnement artistique imaginé par le Projet Bloom, dans lequel quatre artistes du sonore sont suivis pendant une année. Au terme d’échanges suivis tout au long de la saison, les quatre artistes et toute l’équipe du Projet Bloom se retrouvent à La Tour de Guet, en Corrèze, l’association dirigée par Jean-Marc Chouvel (qui avait été l’invité du n° 2 – « Avancer » – de Metaclassique).

Pour la session de 2022, ce sont les artistes du sonore – dans l’ordre d’apparition à venir : Shao-Wei Chou, Hsinyun Tsaï, Aude Rabillon et Jean-Etienne Sotty qui ont été accompagnés, dans leur bourgeonnement, par – dans l’ordre de co-éclosion : Franck Mas, Frédéric Mathevet, Ivan Solano et Colin Roche. Le projet Bloom a invité Metaclassique à suivre l’intégralité de cette semaine de résidence à La Tour de Guet, dont voici une sorte d’album de famille.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #182 – Accueillir

Quand elle est une exploitation ou un rapport de domination, l’utilisation d’éléments d’une culture par les membres d’une autre culture peut être dénoncée comme de l’ordre de l’appropriation culturelle. Au contraire, le dialogue des cultures commence quand, au lieu d’exploiter, de vampiriser les musiques lointaines, les créateurs composent une logique d’échange ou d’accueil. Là où l’exotisation d’une musique par une autre peut avoir de quoi être idéologiquement choquante, elle est souvent et d’abord stylistiquement navrante. Au lieu de laisser les crispations identitaires dominer le débat musical sur les échanges interculturels en matière de création musicale, ce numéro de Metaclassique préfère donc chercher la nuance en explorant la diversité des pratiques d’emprunt d’éléments à des musiques lointaines par des créateurs occidentaux, mais aussi la grande variété des manières de se documenter sur lesdites musiques lointaines. C’est justement le panorama que propose le livre Musiques traditionnelles et création contemporaine que notre invité, Jean-Yves Bosseur, a fait paraître aux éditions Minerve.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
Avec la participation d’Omer Corlaix.

Metaclassique #181 – Déchiffrer

Le 27 septembre 1822, Jean-François Champollion arrive à décrypter les hiéroglyphes. Il tient la clé du déchiffrement au moment où il comprend que les hiéroglyphes ne contiennent pas seulement des signes alphabétiques, mais aussi des signes phonétiques. C’est donc bien en prêtant l’oreille aux hiéroglyphes que Champollion a réussi à en percer le mystère. Et si on tient le 27 septembre 1822 comme le moment précis du basculement dans les recherches qu’il avait entamées de longues dates, c’est parce que c’est le jour où il écrit à Bon-Joseph Dacier, qui était le secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres à l’Institut de France (tout à côté de la rue de l’appartement de Champollion). Dacier qui était aussi dirigeant de la Bibliothèque nationale de France.

En parallèle à son exposition « L’aventure Champollion », la Bibliothèque nationale de France a invité Metaclassique à concevoir une émission de radio avec les élèves de la classe UPEAA du Lycée professionnel Charles Baudelaire d’Evry-Courcouronne au cours de laquelle il sera question de pierre de Rosette, de définition égyptienne de la joie, de recryptages de la langue française, voire de partitions de Chopin – sachant que, tout au long de cette émission, nous n’écouterons que des œuvres composées en 1822.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.