Metaclassique #317 – Respecter

La philosophie a toujours tenté de tenir la musique en respect. Respecter vient du latin respirer, regarder en arrière. Cela peut aussi bien vouloir dire prendre en considération, tenir à distance. Dans le livre La musique en respect, paru en 2002 aux éditions Galilée, Marie-Louise Mallet cherche à préciser ce qui se tient dans la distance respectueuse que des philosophes comme Hegel, par exemple, viennent mettre entre leur pensée et l’art musical. Pour ça, Marie-Louise Mallet mobilise des textes de Nietzsche, Jacques Derrida ou encore Jean-Luc Nancy, autant d’auteurs qui ont justement cherché à excentrer leur activité philosophique au-delà de la seule question du sens, pour ne pas dire plus franchement, du logos. Et alors que la philosophie tiendrait donc la musique en respect, peut être qu’on ne pourrait vraiment bien respecter la musique qu’en tenant en retour la philosophie dans une certaine distance. Autrement dit, est-ce que respecter la musique revient à ne pas trop la penser pour se donner toutes les chances de bien la ressentir ? Est-ce qu’il faut aller jusqu’à se méfier de la croyance selon laquelle on apprécie mieux la musique quand d’abord on s’en fait connaisseur? Autant de questions soulevées par Marie-Louise Mallet et redébattu par l’une de ses lectrices, Sylvie Pébrier, dans un livre La recherche musicale et l’épreuve du sensible, publié aux Editions Delatour et préfacé par Romain Louveau, qui est pianiste et directeur artistique de Miroirs étendus et La Brèche Festival, mais aussi ancien étudiant de Sylvie Pébrier. Pour ce numéro « Respecter » de Metaclassique, c’est en public dans le salon Marguerite Long de la Bibliothèque Lagrange Fleuret que nous échangeons avec Sylvie Perrier et Romain Louveau.

Une émission pensée et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #316 – Risquer

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Le risque se prend. Il est donc une prise. Mais sur quoi est-ce qu’il est ? Comme une prise de parole qui vient faire violence au cours des choses pour chercher à en prendre la maîtrise de la situation ou simplement la mesure des choses ? Est-ce qu’on risque alors, sinon de dissiper des incertitudes ou de mettre de la netteté dans un monde qui aurait pu préférer entretenir un certain flou ? Quand un musicien prend son instrument et, pour ne pas tout de suite se résoudre à savoir ce qu’il exprime, choisit d’improviser, il se trouve dans une position qui ressemble beaucoup à celle d’un orateur qui prend la parole sans à l’avance déterminer sur quoi elle va porter ou en quoi elle va compter. Sauf que la vulgate musicologique à tendance à réserver les analogies entre musique et rhétorique à la musique des XVIᵉ, XVIIᵉ, voire XVIIIᵉ siècle, pour montrer que la musique s’est affranchie des modèles rhétoriques à partir de l’invention de la musique absolue au XIXᵉ siècle. Il reste pourtant une question : qu’est-ce que la rhétorique antique fait qui ressemble tellement à une improvisation en jazz ? Pour ce numéro « Risquer », Metaclassique réunit dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou le musicien, improvisateur et musicologue Martin Guerpin et le spécialiste de rhétorique antique Pierre Chiron.

Une émission pensée et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #315 – Radier

Kagel: Acustica • Centro d'Arte dell'Università di Padova

À composer des pièces pour la radio, certains compositeurs ont fini par concevoir leurs pièces de concert avec les dispositifs permis par la radio de la fin des années 1960 jusqu’aux années 2000. Le compositeur Mauricio Kagel n’a pas arrêté de composer des pièces pour la radio WDR-3 à Cologne, très tôt primées et emblématisées comme des œuvres intrinsèquement radiophoniques. Ses hörspiels développent en effet une esthétique sonore qui n’est possible qu’à la radio, mais qui n’arrête pas de dialoguer avec les œuvres que le compositeur a écrit pour la scène. Pour parler de l’œuvre radiophonique de Mauricio Kagel, nous recevons Héloïse Demoz qui travaille spécialement sur l’œuvre radiophonique de Mauricio Kagel et Jean-François Trubert, à qui l’on doit le texte « Théâtre musical et théâtre instrumental » dans le volume 2 des Théories de la composition musicale au XXᵉ siècle réunies par Nicolas Donin et Laurent Feneyrou aux éditions Symétrie.

Une émission pensée et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #314 – Permuter

Au XVIᵉ siècle, quand Josquin des Prés commence à faire des partitions dont le sens de lecture dépend d’une énigme à résoudre, il n’est pas loin de prolonger par la musique des jeux littéraires qui, depuis des siècles, se sont employés à penser des textes qui jouent à multiplier les sens de lecture, même si lesdits jeux littéraires n’ont pas une seule valeur ludique. Quand, dans les permutations de lettres, les anagrammes prétendent aussi révéler un sens caché, possiblement prophétique, ces phrases découpées pour donner au réassemblage une saveur étonnante, donnent envie de quelques analogies avec certains canons et autres échiquiers musicaux. Pour ce numéro « Permuter » de Metaclassique, intégralement consacré aux partitions et poèmes à lectures multiples, plus ou moins permutables en musique d’une part et en poésie d’une autre part, qui n’en est sans doute pas si éloignée, nous recevons le poète et érudit Emmanuel Rubio qui signe aux éditions Sens et Tonka, l’essai La Lettre au carré, poésie et permutation, et le musicologue spécialiste de canons énigmatiques Guillaume Bunel.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #313 – Pulper

En 1896, la pianiste, compositrice et pédagogue Marie Jaëll publie La musique et la psychophysiologie. L’année suivante, elle approfondit ses recherches avec Le mécanisme du toucher, ouvrage dans lequel Jaëll étudie le piano « par l’analyse expérimentale de la sensibilité tactile. » Et alors qu’elle réfléchit sont enseignement du piano à partir d’observations physiologiques, en prise avec la passion de l’expérimentation si développée dans les premières années du XXè siècle, elle écrit parallèlement des pièces pour le piano qui s’entendent ça et là comme charmantes et doucereuses, mais qui sont aussi les émanations d’une pensée de la fluidité poussée à aussi loin que lui donne à entendre une approche très holistique du corps face au clavier. Entre 1904 et 1912, elle publie quatre autres essais dont les titres ressemblent à des poèmes, alors même qu’ils sentent bon le laboratoire : L’intelligence et le rythme dans les mouvements artistiquesLe rythme du regard et la dissociation des doigts, ou encore Un nouvel état de conscience : la coloration des sensations tactiles jusqu’à La résonance du toucher et la topographie des pulpes. Pour ce numéro « Pulper » de Metaclassique, nous avons rencontré Noémie Ochoa qui a signé Marie Jaëll. Le toucher pianistique aux Editions Gabriel Foucou et la pianiste Célia Oneto Bensaid qui a enregistré certains cycles de Marie Jaëll pour le premier disque du label Présence Compositrices, dont nous entendrons des extraits, après quelques valses sous les pulpes d’une autre pianiste jaëllienne, Axia Marinescu.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique – Vouer

Qu’ils soient adressés à Poséidon, à la Vierge, à Allah, qu’ils prennent la forme d’un cierge, d’une béquille en cire, d’un portrait, d’une inscription gravée dans le marbre, d’un bateau suspendu au plafond d’une église, l’« ex voto » n’est pas toujours figuratif ; sa charge « votive » tient au fait qu’il offert à la divinité pour avoir exaucé un vœu.

Et si le dogme chrétien a beau avoir proscrit toute forme de prière qui ressemblerait à un marchandage avec Dieu et à toute adoration des images, l’Eglise a tout de même maintenu une forme de dévotion d’origine païenne qui consiste à dédier au divin une image, un objet pour supplier sa protection ou le remercier de son intercession. Mais comme l’objet s’adresse autant au divin qu’à la communauté, comme l’ex-voto est autant un acte de dévotion intime qu’une forme de prosélytisme, le voilà installé dans le paysage iconographique, discuté par les historiens de l’art et pourquoi pas modèle pour des œuvres musicaux. Mais à quoi bon encore parler d’ex-voto quand il se joue en-dehors de tout contexte religieux. Pour entrer dans le jeu de l’ex-voto d’art, nous sommes installés dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou en compagnie du compositeur Mikel Urquiza et, à l’occasion de leur exposition « Ex-Voto » à la Galerie Duchamp d’Yvetot, du sculpteur Vincent Barré et du cinéaste Pierre Creton.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #312 – Méditer

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Pour raconter la vie et l’œuvre de l’accordéoniste et compositrice Pauline Oliveros, on consacre quelquefois comme à un rituel placer un moment clé en 1958, quand, à l’âge de 26 ans, Pauline Oliveros fait une expérience qui tient de l’épiphanie, ce moment où elle réalise que son magnétophone enregistre des sons qu’elle ne perçoit pas elle-même dans cette prise de conscience, peut tenir un point d’inauguration d’une attitude qui l’amène à approfondir la conscience des sons qui l’entourent et à développer le deep listening, jusqu’à publier en 1971 des Sonic Meditations qui sont encore pratiqués aujourd’hui en des contextes curieusement divers.

Dans l’heure qui vient, l’artiste sonore Alan Courtis racontera sa rencontre avec Pauline Oliveros et la pensée de l’écoute profonde sur laquelle il a pu beaucoup échanger avec la compositrice et professeur d’accordéon au CNSMD de Paris, Vincent Lhermet expliquera pourquoi l’instrument que son père a donné à Pauline Oliveros est si crucial dans ce rapport à l’écoute. Etudiante de Vincent Lhermet, Charlotte Le Roux racontera comment la pratique des Sonic Meditations a pris une importance toute particulière dans le projet de recherche en art REPERES. Et puis, nous consulterons aussi le psychanalyste Franck Ancel, qui s’intéresse justement aux usages de la méditation dans les contextes artistiques depuis les années 1960-1970.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #311 – Triper

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Dans Connaissance par les gouffres, Henri Michaux écrit : « Toute drogue modifie vos appuis, l’appui que vous preniez sur vos sens, l’appui que vos sens prenaient sur le monde, l’appui que vous preniez sur votre impression générale d’être, il le cède. »

Henri Michaux est l’une des inspirations du compositeur Fausto Romitelli. Quand, en 1998, l’ensemble bruxellois Musiques nouvelles lui passe commande d’une œuvre qu’il intitule Professor Bad Trip, en référence directe au personnage de bande dessinée inventé par Gianluca Lerici, l’œuvre se veut en plein dans le son, loin du son propre des musiques académiques, même si son élaboration est en dialogue avec les questionnements de la musique spectrale qui domine les débats musicaux de l’époque. Parallèlement à la composition, Romitelli a laissé une œuvre théorique très précise où il cherche à repenser le spectralisme en voulant réorganiser le timbre sur des critères linguistiques.

Pour rentrer en plein dans la matière mentale et sonore de cette œuvre souvent qualifiée d’iconique, nous avons interrogé l’auteur d’un livre dédié à Professor Bad Trip, paru aux éditions Contrechamps, le musicologue Luigi Manfrin (dont les propos seront traduits par Antonella Vignoli). Et puis nous pourrons aussi profiter des expertises de deux proches de Romitelli, le musicologue Alessandro Arbo et le réalisateur informatique Laurent Pottier, qui a travaillé à l’IRCAM avec Romitelli.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #310 – Catastropher

Le tremblement de terre de Lisbonne | Pour la Science

Sous l’Ancien Régime, il ne pouvait pas se passer un opéra sans que la nature s’emballe, déborde et menace l’ordre du monde. Des scènes de tempête aux emportements passionnels, pourquoi fallait il que les éléments se déchaînent pour exister ? Comment ? Ces moments tempétueux sont devenus le climax du rapport de l’homme à la nature pour préparer un retour à l’ordre et exorciser quelques angoisses métaphysiques au passage. En quoi les standards de représentation lyrique des cataclysmes dans les opéras du XVIIIᵉ siècle ont quelque rapport avec la pensée de la catastrophe au XXIᵉ siècle ? Pour instruire la question, Metaclassique est installé dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou pour recevoir la musicologue Sylvie Bouissou, qui a signé aux éditions Minerve le livre Crimes, cataclysmes et maléfices dans l’opéra baroque en France, et l’historien de l’anthropologie Frédéric Keck, qui a fait paraître aux Presses Universitaires de France l’essai Préparer l’imprévisible.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #309 – Ecouter

L'anatomie de l'oreille

Au siècle dernier, la musicologie parlait beaucoup des formes de l’évolution des procédés de tels compositeurs ou des modèles extra-musicaux de la pensée musicale de tel autre. Mais depuis le début de ce XXIᵉ siècle, la musicologie parle davantage de la musique du point de vue de qui l’écoute, au lieu de croire que le thème est pour autant nouveau. Martin Kaltenecker a proposé à huit autres musicologues d’aller à la recherche de textes qui parlent de l’écoute depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui. Il en ressort une anthologie de plus de 1300 pages co-éditée par les éditions MF et les éditions de la Philharmonie de Paris, dans laquelle des textes de musicologues, mais aussi des traités de conversation, des extraits de pièces de théâtre, de romans, puisque tous les modes de discours peuvent alimenter la pensée de l’écoute de la musique. Dans Metaclassique, nous allons prendre l’anthologie par l’un de ces milieux : les XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, qui seront respectivement représentés par celles qui s’en sont chargées dans l’anthologie : Isabelle His pour le XVIᵉ siècle et Theodora Psychoyou pour le XVIIᵉ. Mais comme l’une et l’autre ont relevé dans leurs périodes respectives des tendances au comparatisme entre musique à grand effectif et musique à plus petit effectif, entre musique du Nord et musique du Sud, nous ne ferons pas que chronologiquement.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

L'Écoute : de l'Antiquité au XIXe siècle | La Librairie

Metaclassique #308 – Assassiner

Les musiciens de Cold Case

Le 23 octobre 1764, le compositeur Jean Marie Leclair est retrouvé mort à son domicile parisien de trois coups de poinçon. L’événement est hors du commun. Toute la ville est en émoi. Le commissaire Antonin Thiot est chargé de trouver le meurtrier, mais l’affaire est classée sans suite quarante jours plus tard, faute de preuves et sans doute plus encore, faute d’une enquête plus poussée. Si bien que les mystères s’accumulent. Qui l’a tué ? Pourquoi les investigations policières se sont si vite arrêtées ? L’affaire était-elle devenue trop politique pour que l’instruction puisse aller plus loin ? Autant de questions qui resteraient anecdotiques s’il n’y en avait pas d’autres plus pressantes pour qui écoute la musique de Leclair. Est-il seulement possible de faire l’impasse sur les mystères qui l’entourent pour pouvoir l’apprécier ? Et les progrès de la police scientifique peuvent-ils vraiment mieux les éclaircir que la musicologie ? Pour y répondre, nous recevons l’historien de la police scientifique Amos Frappa et la violoniste Hélène Schmitt, qui s’est lancée pour le label Aeolius dans l’enregistrement du Quatrième livre de l’œuvre pour violon de Leclair et qui, pour ce faire, a mené l’enquête sur le cas Leclair, dont l’assassinat n’est pas le seul mystère.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #307 – Distribuer

Orchestre de la Part-Dieu | Auditorium - Orchestre National de Lyon

Dans Le Temps scellé, Andrei Tarkovski écrit qui lui est arrivé une fois d’enregistrer une conversation sans que personne ne s’en aperçoive. Et en réécoutant la bande, il raconte ne pas avoir pu s’empêcher de penser « Quelle écriture géniale, quelle mise en scène, quelle logique dans le mouvement des caractères, quels sentiments, quelle énergie, quelle voix, quel silence ! Tout y était. Aucun Stanislavski n’aurait pu justifier de pareilles pauses, et même le style de Hemingway prenait un air naïf ou prétentieux à côté de ce banal dialogue. »

De cette émotion peut naître une nouvelle manière de noter et de faire attention aux interactions entre les acteurs d’une conversation. Un domaine des sciences sociales s’est même dédié à cette activité qui s’appelle l’ethnométhodologie et qui pratique notamment l’analyse conversationnelle. Ces outils ont été beaucoup mobilisés pour aborder les conversations et mises en scène de la vie quotidienne. En laissant les conversations entre artistes loin de ses enquêtes dans le cadre d’une thèse à l’EHESS, Arsène Caens s’est doté des outils de l’analyse conversationnelle pour se lancer dans un projet d’ethnographie de la consigne musicale. Nous en parlons avec lui, mais aussi avec le poète Jacques Jouet et le pianiste Maroussia Gentet et Julien Blanc.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.