Metaclassique #201 – Marier

Un mariage ne va pas sans musique. Avec ou sans Mendelssohn ou Wagner, tout commence par une marche nuptiale, continue par un bal, avant que ne s’installe, dans le couple, une autre petite musique tout aussi fastueuse, à moins que beaucoup moins heureuse. D’autant que tous les mariages ne sont pas des mariages d’amour. Et quand, au début des années 1920, la danseuse et chorégraphe Bronislava Nijinska travaillait à un ballet intitulé Noces avec le compositeur Igor Stravinsky, elle se rappelle en effet des mariages arrangés, faute d’avoir pu assister à des mariages d’amour. Un siècle plus tard, au moment où elle repartait elle-même du travail de Bronislava Nijinska dans une proposition chorégraphique intitulée Nijinska | Voilà la femme, Dominique Brun s’est demandé si les mariages d’aujourd’hui sont plus du côté de l’amour ou de l’arrangement. En complicité avec Metaclassique, elle a donc mené une série d’entretiens avec des femmes qui partagent pour seul point commun de fréquenter le Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France, là où les témoignages que vous allez entendre ont été enregistré. C’est comme ça que vous allez pouvoir entendre les voix de dix-sept femmes : Lila, H.B, Sarah, K.A, M.M, Karyna, Wissem, C.A, Cathy, Loreleï Morisseau, Violetta, Elisabeth, Roxane, S. A, Ana, F. D et S B.L.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #200 – Compresser

Une sagesse biblique dit que « Celui qui veille sur sa bouche et sur sa langue / Préserve son âme des angoisses. » (Proverbes 21:23). De là vient le conseil ancestral qui veut qu’il faudrait remuer sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Ce qu’on ne fait jamais réellement. Et alors que la radio se laisse prendre au jeu du tac au tac, va souvent jusqu’à privilégier des personnages au verbe musclé et à la répartie vive, la radio reste aussi l’endroit privilégié pour tenter l’expérience et voir, grandeur nature, ce qui pourrait bien se passer si, entre chaque question et réponse, on prenait un temps de réflexion de dix, de vingt ou même de trente minutes ? Pour réaliser une interview d’une heure, il faudrait prendre une pleine journée quitte à en restituer, ensuite, la compression. Et le dialogue s’en trouverait différent. Après réflexion, tout n’est pas toujours plus réfléchi, mais souvent mieux déviant. Pour son 200è numéro, Metaclassique s’est dit « chiche ! ». Le compositeur Harold Schellinx a accepté de se prêter au jeu.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à La Générale.

Metaclassique #199 – Saisir

Une musique qui gronde est sensée nous faire peur et nous déclencher comme des cauchemars éveillés. Mais il suffit d’avoir une vision justement moins imagée de la musique, pour y associer bien d’autres représentations. Depuis un siècle, de nombreux tests perceptifs sont venus confirmés que la musique engage des schémas de tension, de détente, toujours relatifs à ce que les individus veulent bien y entendre ou s’en laisser bercer. Et, d’ailleurs, est-ce que les modulations mélodiques des bébés qui babillent et des parents qui en profitent pour mimer une conversation, ont à voir avec la question ? Philosophe, musicologue et psychologue, Michel Imberty a traversé ces questions au cours de ses travaux les cinquante dernières années, dont nous allons tenter une synthèse en forme de réflexion sur les effets de représentation que telle ou telle musique vient nous évoquer.

Avec la participation des élèves du Lycée Claude Gellée d’Epinal.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou.

Metaclassique #198 – Négocier

D’un orchestre à l’autre, les mêmes musiciens ne s’investissent pas toujours de la même façon. Preuve qu’au-delà de leur passion de servir la musique, la disposition des instrumentistes dépend de l’ambiance, de la qualité des échanges, de l’harmonie sociale qui règne dans l’orchestre. C’est-à-dire que la vie d’un musicien est mobilisée par la musique, mais aussi par les réglages, les dilemmes relationnels et les négociations dont la vie de l’orchestre vient rythmer son quotidien. Altiste et intermittente du spectacle, Delphine Blanc est aussi sociologue et signe aux éditions de la Maison des sciences de l’homme, l’essai L’Accord parfait ? Dans les coulisses des orchestres de musique classique. Pour Metaclassique, elle dévoile donc les tenants des rapports sociaux dans les orchestres et commente deux témoignages exclusifs des compositeurs Johan Farjot et Lionel Ginoux sur leurs rapports à la fois tumultueux et collaboratifs avec les orchestres qui jouent leurs musiques.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée avec Léonard Pauly.

Metaclassique #197 – Briser

Quand une diva interprète une héroïne au destin déchirant parce que déchiré, doit-elle à son tour se donner une vie non-moins flamboyante de déchirement ? Qu’elles soient réellement fatales ou partiellement surjouées, est-ce que les brisures qui font les destins hors du commun des héroïnes d’opéra et de leurs interprètes doivent être constitutives de leurs destins ? Justement les biopics qui retracent les vies de grandes chanteuses d’opéra semblent souvent organiser la coïncidence entre le destin des personnages de tragédie et le destin de leurs interprètes ? Pour entrer plus en précision dans le problème, nous recevons Pierre Degott auteur d’un étude sur les biopics de chanteuses d’opéra pour la revue Savoirs en prisme et l’auteur, photographe et éditrice du label l’empreinte digitale Catherine Peillon qui, à ses heures, se fait aussi diseuse de bonne aventure. Un panel qui sera complété par le meta-testeur Léonard Pauly.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #196 – Co-exister

« les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice ; et cette force créatrice surcharge à ce point la capacité des briques et du mortier qu’il lui faut maintenant trouver autre chose, se harnacher de plumes, de pinceaux, d’affaires et de politique. Mais ce pouvoir créateur des femmes est très différent du pouvoir créateur des hommes. Et l’on est obligé de conclure qu’il serait infiniment regrettable qu’il se trouvât entravé ou gaspillé, car il a été gagné par des siècles de la discipline la plus rigoureuse et rien n’existe qui puisse prendre sa place. Il serait infiniment regrettable que les femmes écrivissent comme des hommes ou vécussent comme des hommes, car si deux sexes sont tout à fait insuffisants quand on songe à l’étendue et à la diversité du monde, comment nous en tirerions-nous avec un seul ? » (Virginia Woolf, Une chambre à soi, traduction Clara Malraux, Éditions Denoël, coll. 10/18, 1997, p . 131-132)

Même si Virginia Woolf ne pousse pas l’expérience de pensée jusqu’à imaginer un monde où il y aurait plus de deux sexes, elle laisse quand même planer l’idée que c’est un peu à cause du fait qu’on n’en a dénombré que deux si l’un s’est tellement vécu en supériorité par rapport à l’autre. Et quand il faut constater que la musique écrite par des femmes reste excessivement minoritaire dans les salles de concert de musiques de création, que se passerait-il si on thématisait le problème en terme de coexistence. Installés à La Cassette, nous accueillons Claire Bodin qui dirige le Centre de ressources et de promotion Présence compositrices, à l’origine de la base de données Demandez à Clara qui sera spécialement « meta-testé » pour Metaclassique par Léonard Pauly et la philosophe Valérie Gérard qui signe aux éditions MF l’essai Les formes du chaos qui propose d’évoluer dans les livres de Virginia Woolf à la recherche des modes de coexistence.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #195 – Formuler

Les rapports entre la littérature et la musique se jouent forcément dans les rapports directs entre écrivains et musiciens. Mais pour en prendre connaissance, encore faut-il enregistrer leurs échanges. D’autant qu’il est bien possible qu’en les enregistrant, leurs échanges s’en trouvent encore plus riches et denses. Au nom de l’ambition d’aider à formuler les rapports actuels, vivants entre littérature et musique, Metaclassique a organisé pour mieux l’enregistrer la rencontre entre l’auteur Olivier Cadiot et l’organiste, improvisateur, compositeur, Thomas Lacôte qui est aussi musicologue et lecteur d’Olivier Cadiot de longue date. Comme souvent dans les premiers échanges, les deux artistes ont cherché à formuler leurs points de correspondance, mais plus singulièrement, il en est ressorti aussi des questions plus générales autour de la notion même de formulation. Cette rencontre d’une pleine journée était accueillie par l’Abbaye de Royaumont où Thomas Lacôte se trouve en résidence et où Olivier Cadiot était lui-même en résidence, mais dans les années 1980…

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.
Oreille extérieure : Léonard Pauly.

Metaclassique #194 – Raboter

Pour accorder une flûte, il faut raboter tel ou tel trou. Pour donner un bon grain à une guitare, il faut commencer par raboter la table d’harmonie. Bref, les sons des instruments ne seraient pas aussi beaux s’il n’y avait des facteurs d’instruments pour d’abord raboter – entre autres actions très concrètes pour confectionner un instrument de musique. Pour donner à entendre la subtilité des gestes des luthiers, Metaclassique a profité de la première école d’été du Collegium Musicae qui se tenait, à la fin du mois août 2022, à l’Institut technologique européen des métiers de la musique au Mans, pour suivre des spécialistes en acoustique et des musicologues dans deux ateliers qui se tenaient parallèlement. Le premier était conduit par le facteur de flûte Philippe Bolton qui guidait dans la confection d’un chalumeau Yvan Girot, Mathilde Aigouy, Baptiste Chopin, Mathilde Callac, François Gautier et Benoît Navarret, sous le regard du flutiste Dimitris Kountouras avec lequel nous échangerons en fin d’atelier côté flûte – avant d’entendre, dans la seconde partie d’émission – côté guitare –, le luthier Jean-Marie Fouilleul et l’ingénieur Romain Viala qui dispensaient les conseils techniques utiles pour bien préparer une table d’harmonie à la chercheuse Claudia Fritz, aux musicologues Theodora Psychoyou, Patricio de la Cuadra ou encore François Fabre.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée avec Léonard Pauly.

Metaclassique #193 – Dégenrer

Sur la plateforme Bandcamp, on peut trouver du classic, du jazz, du reggae, du funk, du metal, du blues… L’éventail des genres y semble interminable tellement il est ouvert. Alors que, sur YouTube, tous les genres semblent bienvenus, quoique la référence aux genres musicaux est pratiquement effacée, au plus mentionnée sous formes de tag, mais globalement fondue dans ce grand tout. C’est devant ce constat qu’entre Hemisphere son et Metaclassique, on s’est demandé si la disparition des genres musicaux était vraiment une aubaine pour les musiques que l’on dit « expérimentales » justement par défaut et s’il était à tous les coups une bonne chose de dégenrer les pratiques musicales. Profitant du festival « riverrun » organisé par le GMEA – le Centre National de Création Musicale d’Albi-Tarn  pour se frotter aux différences de genres musicaux qui s’y côtoient, nous allons chercher où en est l’effacement des frontières musicales dans la pratique et dans les plateformes avec le chercheur Guillaume Heuguet qui a signé chez INA éditions l’essai YouTube et les métamorphoses de la musique, le directeur du festival riverrun Didier Aschour et la violoniste et chanteuse Silvia Tarozzi.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #192 – Chauffer

Il paraît bien naturel – mais presqu’ennuyeux d’évidence – de rabâcher que la musique peut émouvoir. Il pourrait paraître un peu plus affriolant – quoique pas moins évident – d’aller en déduire que la musique peut procurer quelques émois et pourquoi pas stimuler de franches excitations. Si bien qu’il paraît tout aussi naturel – même si plus ou moins efficace – de se confectionner quelques playlists exprès pour accompagner ses ébats.
Par contre, il carrément plus sordide d’aller jusqu’à commercialiser des compilations exprès pour aider les consommateurs à chauffer leurs partenaires et les conduire sur des scénarios sexuels potentiellement très standardisés. À moins qu’il faille taxer de purisme musical toutes celles et ceux qui n’admettent de tapisser leurs moments érotiques uniquement de musiques non-industrielles. Parce qu’au fond, la perspective que des musiques puissent être plus érogènes que d’autres pourrait, au passage, rebattre les hiérarchies entre les genres musicaux, même si ladite perspective semble d’abord attester que certaines musiques ménagent justement l’explosion de leur climax au point de, peut-être, colporter les mécanismes de la domination masculine.

C’est en public et avec le public réuni à la librairie Tschann que nous allons chercher à démêler ou mieux ré-emmêler ces questions avec le musicologue Esteban Buch, auteur de l’essai Playlist. Musique et sexualité publié par les éditions MF. Avec la participation de Michèle Tosi, Brigitte Lalvée et Bastien Gallet.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #191 – Tempérer

1917 est une date pivot dans l’histoire de l’harmonie musicale à cause d’un ingénieur acousticien nommé William Braid White. Né en 1878, formé à Cambridge, White avait émigré aux Etats-Unis au moment de ses vingt ans pour devenir le rédacteur technique de la Music Trade Review de New York, qui lui donnera une stature assez importante pour jouer un rôle déterminant dans l’établissement du la à 440 Hz comme étalon du diapason… Mais, surtout et avant de s’intéresser au diapason, White a publié en 1917, un traité sur l’accordage moderne des pianos. Depuis, on peut le ternir pour celui qui a fondé la science de l’accordage de piano en tempérament égal et qui a œuvré pour installer ledit tempérament égal comme un standard, reléguant à l’imperfection tout tempérament inégal. C’est donc en référence à son livre sur l’accordage du piano, que Ross W. Duffin voit dans l’année 1917 un tournant dans l‘histoire de l’accordage du piano. Ross W. Duffin est lui-même professeur émérite de musique à Cleveland, où il a consacré les premiers temps de sa retraite à composer une sorte de pamphlet musicologique, sous le titre Comment le tempérament égal a détruit l’harmonie (et pourquoi vous devriez vous en préoccuper). Tel est le titre choisi par le pianiste Ziad Kreidy qui, avec Bernard Bessone, en fait paraître en 2022 la traduction en français aux éditions Symétrie. Ziad Kreidy est l’invité de Metaclassique où nous recevrons aussi Florent Ploquin qui a publié aux éditions Aedam Musicae Clavier bien tempéré et justesse numérique qui réactualise les questions d’accordage du Clavinova à nos jours.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #190 – Invertébrer

Emmanuelle Lafon dans « L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer » de Copi, mis en scène par Thibaud Croisy. Crédit photo : Martin Argyroglo.

Une prof de piano qui s’appelle Garbo dans une pièce de théâtre de 1972 qui s’intitule L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer,n’a pas forcément grand-chose de Greta Garbo. Il reste qu’on ne peut pas faire l’impasse sur le fait que l’auteur de la pièce, Copi a appelé son personnage du nom de l’actrice hollywoodienne mythique, Greta Garbo. Mais en plus, il en fait une prof de piano, ce qui peut sembler très déterminant et à la fois pas si important pour comprendre le personnage. À écouter le texte de L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, toute la question de Copi est peut-être musicale à l’endroit de savoir en quoi ses personnages peuvent tellement s’invertébrer ? Pour enquêter sur cette prof de piano hors-norme qui évolue sous le nom d’une actrice mythique, nous avons interrogé la comédienne Emmanuelle Lafon qui interprète la Garbo de Copi à la scène et s’en inspire librement au micro de Metaclassique, la chercheuse Isabelle Barbéris qui a consacré une thèse au théâtre de Copi, mais d’abord, le metteur en scène de la version 2022 de L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et qui en a permis la republication aux éditions Christian Bourgois, Thibaud Croisy.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.