Metaclassique #140 – Encapsuler

Faudrait-il écouter Bach au téléphone ? Quel rapport y a-t-il entre un piano Steinway et une voiture ? Comment la vitesse de la musique peut-elle engouffrer le musicien, faire habitacle, jusqu’à l’aspirer ? Et est-ce que le bruit de l’aspirateur peut alors aider à se concentrer pour mieux écouter Mozart ?

Ce numéro de Metaclassique encapsule un certain nombre de questions essentielles en suivant une route à la fois sinueuse, aux virages fluides et aux dénivelés à peine perceptibles, grâce à la complicité entre les deux invités de l’émission : Elie During et Alain Bublex qui ont fait deux livres ensemble : Le futur n’existe pas : rétrotypes aux éditions B42 et Glenn Gould dans la nouvelle collection « Supersoniques » des éditions de la Philharmonie de Paris.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique # 139 – Exulter

Theodor Billroth était un chirurgien allemand très actif à la fin du 19è siècle et tenu pour le père fondateur de la chirurgie digestive. Passionné de musique, il était aussi violoniste virtuose et ami intime de Johannes Brahms. C’est à Theodor Billroth qu’un jour de l’été 1880, Brahms a écrit : « Mes nouvelles Danses Hongroises arriveront bientôt, je pense qu’elles nous amuseront. » De cette parole de maître arrachée à sa correspondance avec un ami proche, on pourrait conclure une bonne fois pour toute que les Danses hongroises si fameuses de Brahms sont donc faites rien que pour s’amuser. Mais, à l’usage, elles vont beaucoup plus loin. Il y a quelques semaines, j’ai pu voir un groupe de jeunes promeneurs qui accompagnaient sa ballade urbaine, au bord de l’eau, avec haut-parleur embarqué dans un sac à dos pour diffuser la 5ème de Danses hongroises de Brahms qui donnait un entrain à l’après-midi des amis de promenade qu’une bonne humeur et une franche camaraderie n’auraient peut-être pas suffi à provoquer. Alors, pour faire la preuve par l’expérience que cette musique de Brahms donne matière à Exulter, il fallait des complices. C’est donc avec la complicité de la compagnie théâtrale Turbulences que Metaclassique vous donne à entendre, pendant une heure, une seule œuvre à Exulter.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique # 138 – Imiter

Pour évoquer la mer, on peut faire une musique pleine de vagues et d’ondulations. Pour imiter l’envol, on trace une ligne sonore qui part vers le haut. Mais il paraît difficile de soutenir que, même si ces procédés d’imitation semblent naturels, ils seraient mobilisés par les compositeurs modernes de la même manière que par les compositeurs de la Renaissance ou de l’âge classique. Le philosophe Christian Accaoui observe : plus on avance vers le 20ème siècle, plus les compositeurs condamnent l’imitation dans leurs discours pour, en réalité, continuer à imiter dans leurs musiques.

Christian Accaoui a publié aux éditions de Conservatoire de Paris, La musique parle, la musique peint, un essai dont le titre est inspiré d’une phrase du chef d’orchestre Nikolaus Harnoncourt pour qui, jusqu’en 1800, la musique parle, mais à partir de 1800, la musique peint. Mais alors que Christian Accaoui expliquera, au cours de cette émission, la césure que connaît la musique dans le passage du 18 au 19ème siècle, il détaillera aussi pourquoi il pense qu’en peignant, la musique continue à parler, en vertu du fait que, quand elle parle, la musique peint déjà.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique # 137 – Patrimonialiser

Depuis sa Convention de sauvegarde de 2003, le répertoire du Patrimoine Culturel Immatériel tenu par l’UNESCO donne une grande part à la musique. Au-delà des Nations-Unies, le « patrimoine immatériel » semble être devenu le modèle dominant pour valoriser des pratiques musicales locales à une échelle internationale, tout en les patrimonialisant. Et puisqu’il paraît forcément bénéfique de défendre le patrimoine et de reconnaître que des gens qui jouent de la musique dans une communauté s’inscrivent donc dans le patrimoine et de la communauté et de son territoire, il reste à se demander si c’est en effet que bénéfique ? Est-ce qu’en plus des effets vertueux, l’inscription d’un répertoire au patrimoine culturel immatériel n’a pas, aussi, quelques effets pervers ? Nous recevons l’ethnopoéticienne Penelope Patrix qui travaille et réfléchit sur la constitution du répertoire du fado et l’ethnomusicologue Lucille Lisack qui a enquêté sur la musique contemporaine en Ouzbékistan, avec tout ce que l’idée d’une musique contemporaine peut déplacer dans la frontière mouvante entre musique académique et musique étiquetée « traditionnelle » surtout par ceux qui en pratiquent une autre.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique # 136 – Infantiliser

Pour faire apprécier la musique classique aux enfants, on leur raconte des histoires d’enfants avec de la musique classique dedans. Bien sûr, on adapte les histoires. On adapte aussi la musique. Mais en quoi les besoins de la pédagogie peuvent alors faire basculer ces adaptations dans l’infantilisation ? Pour poser sérieusement la question, Metaclassique a organisé un colloque pour faire un point surtout pas seulement sérieux sur l’image de la musique classique dans la littérature jeunesse. Des doutes sur les critères musicaux à l’œuvre dans Martine découvre la musique aux malices supposées du solfège dans les Malheurs de Sophie en passant par de la platine par la Petite Taupe, ce colloque accueille quatre contributeurs : Lambert Dousson, Charlotte Hubert, Guilhem Marion et, pour commencer : le philosophe Alahin Badihou. Durant cette heure de colloque radiophonique, vous entendrez également, en qualité de répondant fil rouge : Omer Corlaix et, à la modération : Capucine Porphire.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée à la Maison des Associations du 8ème arrondissement de Paris.

Metaclassique # 135 – Signifier

Est-ce qu’une Sonate de Mozart peut objectivement raconter une histoire ? Au-delà des films que chacun peut se faire à l’écoute d’une œuvre instrumentale, comment les compositeurs peuvent user du langage musical pour y déposer quelques suggestions narratives ? Si les poèmes symphoniques du 19ème siècle donnent des exemples apparemment incontestables de récits racontés en musique, il reste des spécialistes pour considérer que, même quand l’histoire est revendiquée par le compositeur, c’est le texte d’accompagnement qui charge la musique d’un programme plus que la musique elle-même, comme si un auditeur qui écouterait Jeux ne pouvait, sans le titre, deviner les images de parties de tennis que Claude Debussy avait en tête quand il composait sa partition. En réponse aux musicologues formalistes qui soutiennent que la musique ne peut pas directement produire de la narration, Marta Grabocz a réuni vingt-trois contributions des spécialistes les plus reconnus au monde dans l’examen des signes musicaux. L’occasion pour Metaclassique d’offrir un tour d’horizon à la fois élargi et varié de travaux aux démarches très éclectiques, qui empruntent aussi bien à la sémiotique qu’aux gender studies en passant par les sciences cognitives pour détecter des éléments expressifs dans toute sorte de musiques sans parole. Pour en parler, nous recevons deux musicologues : Marta Grabocz à l’origine du volume Narratologie musicale paru aux éditions Hermann, mais aussi Danièle Pistone qui fait partie de ses vingt-trois contributeurs.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #134 – Chronométrer

Alors que le métronome est inventé par Johann Nepomuk Maelzel en 1816, l’idée d’un mécanisme capable de battre la mesure de manière régulière apparaît déjà au 18è siècle : à l’entrée « Chronomètre » de son Dictionnaire de musique, Jean-Jacques Rousseau évoque les montres des horlogers, le Pendule inventé par Sauveur ou encore le projet de Métromètre dont, selon Rousseau, il a été question dès les années 1730. À la nécessité d’archiver le tempo, le Métronome va aussi aider à la circulation des vitesses d’exécution et permettre aux compositeurs d’asseoir leur autorité sur le débit exact qu’il faut donner aux partitions, avant de se trouver d’autres utilités dans le domaine de la pédagogie musicale ou encore de la médecine. Et alors qu’il est l’indice d’une mécanisation des pratiques musicales, le signe emblématique d’une industrialisation de la vie artistique, il est aussi le contre-emblème du romantisme qui lui préfère le rubato, l’expression des sentiments affranchie de toute mesure et de toute métrique. Pour décrire les mentalités musicales qui concourent à l’apparition de métronome, nous recevrons Emmanuel Reibel qui enseigne l’esthétique musicale au CNSMD de Paris et l’ENS Lyon, juste après avoir écouté quelques notes interprétées par le trompettiste automate confectionné par Johann Nepomuk Maelzel.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #133 – Incorporer

Quand on dit « incorporer les blancs en neige au reste de la préparation », l’opération d’incorporer consiste donc à faire entrer une partie dans un tout d’une autre substance. Le verbe « incorporer » est pratiquement synonyme de « mélanger ». Là où certains dictionnaires en font le synonyme d’ « incarner », pour dire qu’« incorporer » revient à donner un corps à une entité qui n’en a pas encore. Entre unir plusieurs matières pour en faire un même corps et introduire quelque chose de plus ou moins immatériel dans une enveloppe corporelle, nous allons varier le verbe « incorporer » avec deux invitées : Christine Leroy qui a beaucoup réfléchi aux phénomènes d’empathie kynesthésique dans son ouvrage Phénoménologie de la danse paru aux éditions Hermann et Charlotte Vaillot Knudsen qui développe une approche charnelle d’instruments minéraux tels que les lithophones, dans un article De l’orgue au septième ciel. Pour une spéléologie du souffle-désir dans le neuvième numéro de la revue Transposition.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #132 – Morphoser

En 2019, dans un entretien avec Laure Gauthier, le poète Philippe Aigrain entendait prolonger son intimité avec la poésie de Gherasim Luca en parlant de « morphose », une façon d’envisager l’écriture qui permet, par exemple de révéler et détruire progressivement « un énoncé de novlangue » et mettre au jour « le processus douloureux de retrouvailles du sens ». Si bien que le processus d’écriture fait vite entendre une politique qui prend la langue dans un état pour travailler dedans et faire, à titre de « phoème », des déplacements d’un état à un autre. Quelques mois plus tôt, en 2018, Philippe Aigrain s’était prêté à l’invitation de la webradio du Printemps des arts de Monte-Carlo, à des « Variations Mozart » prenant le nom du compositeur dans l’état où on le trouve dans la rue pour le frotter à ses expériences de déplacement dans le corpus légué par Mozart.

Suite à la disparition brutale de Philippe Aigrain le 11 juillet 2021, Metaclassique a voulu lui rendre hommage en proposant une nouvelle diffusion de ces « Variations Mozart ».

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #131 – Souffrir

Dans À la recherche du temps perdu, Swann est bouleversé par la Sonate de Vinteuil. Si Marcel Proust a choisi un compositeur fictif, c’est pour ne pas se heurter aux goûts musicaux réels des lecteurs, dit-on ; ou pour ne subir aucun frein dans l’idéalisation de sa musique, peut-on aussi imaginer. Le romancier et mélomane Étienne Barilier se heurte à un impossible : alors que Proust met en scène un Vinteuil délicieusement naïf, qui ne ferait pas de mal à une mouche, il soutient que ce même Vinteuil a connu les gouffres de la condition humaine sans lesquels il n’aurait pu produire une musique aussi géniale. Pour résoudre cette impossibilité, Étienne Barilier a reconstitué la biographie de Louis Lefebvre, l’homme réel qui a dû inspirer Proust, qui ne se contente pas de souffrir comme Vinteuil, mais fait souffrir à son tour. Mais voilà qu’au moment où le livre À la recherche de Vinteuil est paru aux éditions Phebus, le hasard des calendriers éditoriaux veut qu’un autre livre d’Étienne Barilier est sorti aux éditions Premières loges, Pour la main gauche qui retrace l’histoire des partitions pour pianistes amputés et révèle comme l’auteur entend décidément la musique depuis la souffrance. C’est à son domicile, près de Lausanne en Suisse, qu’il a reçu les micros de Metaclassique pour évoquer comme se dessine, au fil de ses livres, une curiosité tenace pour la souffrance créatrice.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #130 – Désécrire

On pourrait dire des derniers quatuors de Beethoven qu’ils sont indépassables, parce qu’ils atteignent une vérité où il n’est plus tant question de style. Comme si le compositeur se déprenait de lui-même pour laisser la musique exister d’elle-même. Mais rien ne se passe méthodiquement parce qu’on touche alors à ceci d’étrange que la déprise de soi et ce qui s’entend comme une désécriture semblent s’entraîner l’une et l’autre.

Maria Machado et Charlotte Escamez ont conçu une adaptation théâtrale des carnets d’un auteur qui a écouté les derniers quatuors de Beethoven jusqu’au dernier jour de sa vie, Roland Dubillard. Pour les mettre sur scène, les morceaux choisis de ces carnets se dédoublent en deux voix : un homme et le jeune homme qu’il a été, interprétés respectivement par Denis Lavant et Samuel Mercer. Je ne suis pas de moi est donc une pièce de théâtre où le tressage des textes de Roland Dubillard entre en résonance avec une composition sonore de Guillaume Tiger à partir des derniers quatuors de Beethoven. Et comme cette création théâtrale est l’occasion de se frayer un chemin singulier dans ces partitions indépassables, ce numéro de Metaclassique est une plongée documentaire avec, par ordre d’apparition : Samuel Mercer, Guillaume Tiger, Denis Lavant, Maria Machado et Charlotte Escamez – dans cette partie de l’œuvre de Dubillard qui donne une pensée à fleur de peau des œuvres tardives de Beethoven.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #129 – Cadencer

Quand on parle de la « cadence de travail » de quelqu’un, on fait référence à un rythme plus ou moins soutenu, à la densité dans le temps de sa production. En poésie ou en musique, le mot « cadence » désigne le rythme de l’accentuation ou son effet. Mais le mot « cadence » peut aussi désigner une partie improvisée par le soliste dans un concerto qui, comme un morceau dans le morceau, peut alors plus ou moins s’éloigner du style du compositeur. Et si elle a la réputation d’une improvisation, la cadence d’un soliste célèbre peut être écrite pour être reprise par d’autres. Par exemple, les concertos pour violon de Beethoven ou Brahms sont encore souvent joués avec les cadences du virtuose du xixè siècle, Joseph Joachim. Ce numéro de Metaclassique fonctionne en triptyque. Vous pourriez y entendre le compositeur Marc Monnet commenter les cadences que le pianiste François-Frédéric Guy lui a commandé pour le 21è Concerto pour piano de Mozart. Nous entendrons le violoniste Gilles Apap revenir sur le jour, dans le Concerto en sol de Mozart, où il s’est attiré la foudre du public du palais des festivals à Cannes, il s’est mis à faire une cadence sous la forme d’un thème et de variations ouvertement folkloriques. Pour commencer, nous allons à la rencontre de Sonia Wieder-Atherton dont le disque Cadenza a placé des adaptations de divers compositeurs plus ou moins récents en position de cadence, au cours de Concertos de Boccherini.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.