Metaclassique #213 – Filer

Entre le moment où il répète une œuvre et le moment où il l’exécute, il y a un moment où le musicien fait un « filage », c’est-à-dire qu’il répète l’œuvre d’un bout à l’autre, sans s’arrêter. À ce moment-là, toutes les difficultés techniques ont été dépassé, l’interprète est prêt à livrer l’œuvre en public ou à l’enregistrer pour le disque. Mais ce moment de filage n’est pas encore un moment de pleine maîtrise. C’est pourquoi on peut filer, encore et encore. Même si le « filage » n’est pas encore tout à fait une interprétation, il est une version qui commence à se vouloir sérieusement présentable.

Tout en passant par son compte Instagram, comme suspendus à son « fil d’actu » musicale, Metaclassique s’est donc lancé dans une filature du saxophoniste Sandro Compagnon, du conservatoire de Saint-Maur aux quais de Seine, pour tirer et étirer ces quelques ficelles de l’interprète ; avec la complicité du compositeur Bruno Mantovani.

Une émission produite par David Christoffel et réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #212 – Habiter

La musique peut toujours prendre les sons de la nature, elle peut le faire par plaisir, mais pourquoi pas par malice ou par inadvertance. Si bien que la reprise de sons de la nature ne suffit à dire d’une musique qu’elle est écologique. D’autant que depuis qu’on se soucie d’associer nos questions d’environnement à l’art des sons, on ne se satisfait plus vraiment de les limiter aux seuls sons de la musique. En plus, quand on prête l’oreille à l’environnement, on se trouve nécessiteux d’y articuler un récit ou de reconsidérer la nature de notre parole à l’endroit de ce qu’on peut en entendre ou en ressentir. Réunis à La Cassette vous pourrez entendre dans cette émission les réflexions de l’éco-musicologue Antoine Freychet portées Makis Solomos et les retours d’enquête poétique de Clara Breteau sur ceux qui engagent leur vie autonome et sur la part de poésie qu’on peut y trouver. Mais comme nos considérations musicales pourraient alors changer de voix au fil de l’émission, nous aurons aussi la visite d’un chien, parce qu’il est journaliste musical et parce qu’il s’appelle encore très distinctement Antoine Couder.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #211 – Syntoniser

Dans les années 1930, le sociologue George Herbert Mead avait remarqué que les lutteurs communiquent entre eux au moyen d’une « conversation des gestes » qui, pour chacun, facilite la prévision du comportement de l’autre et l’orientation de son propre comportement. À sa suite, Alfred Schütz notait que « deux joueurs d’échecs qui ont tous deux une connaissance de la signification fonctionnelle des pièces en général, ainsi qu’une connaissance de la configuration unique et concrète qui se posera à un moment donné d’un jeu particulier, peuvent se communiquer leurs pensées. Ils le font selon les termes du « vocabulaire » et de la « syntaxe » déterminés par la « règle du jeu ». »

Ces manières de se coordonner par des moyens de communication quasi extra-sensoriels peuvent s’appeler la « syntonisation ». La pratique musicale s’en saisit volontiers quand plusieurs musiciens cherchent à partager une pensée du son unitaire et homogène alors qu’ils n’ont pas encore produits un seul son ensemble, mais aussi quand un auditeur saisit la musique à l’œil et se met à entendre une œuvre dont il ne fait pourtant que regarder l’exécution.

Pour approfondir les dimensions esthétiques autant que pédagogiques de la syntonisation, nous recevons François Joliat qui est professeur pour le Domaine de recherche Arts à la Haute école pédagogique des cantons de Berne, Jura, Neuchâtel (HEP-BEJUNE) en Suisse. Au cours de l’émission, nous entendrons aussi le compte-rendu des recherches que la violoniste Audrey Sproule a mené, avec François Joliat, au CNSMD de Paris, mais aussi Léonard Pauly qui a méta-testé les jeux de cartes de Zener utilisées par Rhine pour tester ses capacités de perceptions extra-sensorielles.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #210 – Se cacher

Quand on fait du piano au Conservatoire et, dans le même temps, des arts plastiques à l’université, on se doute que ça augmente les chances de croisements et qu’on est d’autant plus susceptible de faire déjà des arts plastiques en faisant musique et encore de la musique alors qu’on est en train de dessiner ? Depuis sa double formation il y a une quinzaine d’années, Mélanie Delattre-Vogt s’est davantage tournée vers le dessin, mais sa vie d’artiste reste traversée par la musique et par tout ce qu’elle trouve en chemin, comme perdu dans la nature. Le titre de son exposition à la Galerie Duchamp à Yvetot Cheese and fermented milk foods a été trouvé, comme s’il s’était d’abord perdu au Lycée agricole d’Yvetot. Et comme « nature aime à se cacher », au fil de cette émission avec Mélanie Delattre-Vogt, nous allons donc chercher où nous cacher et, chemin faisant, trouver à glisser dans les musiques glanées de quoi aller au bout du jeu. Car ce numéro de Metaclassique repose en effet sur un jeu. Mélanie Delattre-Vogt ne va pas répondre à tout un tas de questions. Nous lui avons proposé de plutôt choisir dans un petit tas de douze questions laquelle lui semble propice à faire douze réponses, dans un lieu chaque fois différent. Les douze lieux pourront être réels ou imaginaires, ils seront chaque fois décrits par Léonard Pauly qui, le temps de cette émission, s’est donc converti en géo-localisateur.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #209 – Rebuter

La musique classique peut passer pour un genre dominant. Mais les preuves de sa supériorité peuvent elles-mêmes passer pour les symptômes d’un esprit de sérieux d’autant plus spécieux qu’il vire au mépris d’autres genres musicaux réputés plus populaires, tels que le jazz et le rock. Dans Metaclassique, nous allons explorer la tendance du classique à rebuter les autres genres avec Joana Desplat-Roger qui signe l’essai Le jazz en respect aux éditions MF, Frédéric Gournay qui publie une Metaphysique du rock chez L’irrémissible Editions, mais aussi Danick Trottier qui a fait paraître Le classique fait pop aux Editions XYZ. Une émission qui ne va pas seulement dépasser les frontières entre les genres musicaux, puisqu’elle pourrait aussi les égratigner au passage et pour le plaisir d’écouter, par exemple, un rocker chanter Schubert.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #208 – Trafiquer

En 1925, à Paris, Raoul et Marguerite d’Harcourt font paraître un ouvrage intitulé La musique des Incas et ses survivances. Pour permettre de jouer la musique péruvienne sur des instruments européens, le couple d’Harcourt présente la musique des Incas telle qu’il l’imagine plus accessible, en la ramenant aux gammes modales déjà en circulation dans les milieux musicologiques parisiens de l’époque. 1925 est aussi l’année où un compositeur latino-américain, Julian Carrillo dévoile la théorie du treizième son qui propose une nouvelle division des sons jusqu’à faire fabriquer des harpes, des guitares et des pianos aux proportions harmoniques inédites. Depuis cent ans, le dialogue entre France et Amérique latine ont continué, des gammes se sont échangées

À l’occasion de la première édition du festival Sonomundo, Metaclassique installe ses micros à la Cité internationale des Arts à Paris pour réunir les compositeurs Fernando Valcárcel, Juan Arroyo, Vincent Trollet et la compositrice Pia Alvarado – un panel idéal pour mener une enquête en temps réel sur les trafics de gammes qui se trament entre la capitale péruvienne Lima et la capitale française Paris, avec la complicité du critique Gilles Charlassier qui traduira les propos de certains de nos invités et qui, en fin d’émission, se chargera de formuler la question finale.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #207 – Fusionner

Quand nous tenons une musique pour sublime, nous nous tient nous-mêmes pour subjuguer, pourrions-nous même pousser la jouissance musicale jusqu’à fusionner avec les flux et les reflux de la musique. Là où Kant définissait le sublime comme « ce qui plaît immédiatement par la résistance qu’il oppose à l’intérêt des sens. », est-ce à dire qu’il nous procure un ravissement à nous détourner de nos propres réflexes personnels pour nous mettre en fusion avec une palpitation plus grande et pourquoi pas même cosmique ? Si la question nous transperce ou, a minima, nous interpelle, c’est quand même bien que les lieux communs des idéaux romantiques de l’époque de Kant ont peut-être survécu à l’état de vérité psychologique ou encore d’état de fait neurologique : là où la musique nous fait nous oublier nous-mêmes, arriverait-elle même à nous mettre en prise avec le monde ou, mieux encore, avec quelque chose de son unité ? Pour dessiner jusqu’où le sublime en musique nous met en fusion, jusqu’à rendre incertaine la « frontière entre le moi et le monde extérieur » dont parlait Freud, Metaclassique est en dialogue cette semaine avec l’A2IP – l’association internationale interactions psychanalyses. Installés dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information, nous allons parler « fusion » avec, par ordre d’apparition : Sophie de Mijolla-Mellor, Jean-Michel Vives et Xanthoula Dakovanou.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #206 – Enacter

« Les remous cristallisent des co-incidences. », peut-on lire en quatrième de couverture du livre Gadjo-Migrandt publié en 2014. « Les remous cristallisent des co-incidences. » peut sonner comme un avertissement : attention, des co-incidences vont se cristalliser. Cela peut aussi tenir lieu de programme poétique : faisons des remous, il en ressortira toujours des coïncidences. Essayons d’en faire une méthode d’évocation, avec toute la force de liaison de la poésie est capable et, pendant une heure, remuons les souvenirs jusqu’à ce qu’il en ressorte des coïncidences. Comme le quatrième de couverture de Gadjo-Migrandt dit aussi : « Un acte dans la mémoire. Enact. Reenact. » : voilà donc une coïncidence organisée par Metaclassique avec la complicité de la Bibliothèque La Grange Fleuret : c’est au Salon Mahler que nous accueillons Patrick Beurard-Valdoye pour mieux entrer dans le dédale des lieux, ancrages et pérégrinations qui mettent Gustav Mahler en si bonne place dans l’arrière-pays musical de son écriture poétique. Une écriture riche en coïncidences historiques où nous allons pouvoir scruter les prolongations mahleriennes jusqu’au dadaïsme, au Black Mountain College, là où le mot « happening » a fait son apparition. Sachant qu’une figure vient faire trait d’union de Gustav Mahler jusqu’à John Cage, c’est le directeur du département musique du Black Moutain College et compositeur Stefan Wolpe.

Une émission produite par David Christoffel, co-animée et réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #205 – Rire

Au tout premier de ses Young People’s Concerts en 1958, Leonard Bernstein proposait aux enfants réunis au Carnegie Hall à New York un week-end du mois de janvier, de réfléchir à ce que la musique peut bien vouloir dire. Pour montrer que la musique ne peut se réduire à une histoire ou une image ou même une émotion, Leonard Bernstein procédait alors à une grande démonstration par l’absurde où il prenait à témoin les musiques qu’il donnait avec l’Orchestre philharmonique de New York, en forçant l’évidence, une par une, qu’elles ne pouvaient se limiter aux histoires, aux images ou aux émotions que chacun peut venir lui associer. Par exemple, pour montrer que les Tableaux d’une exposition de Moussorgski ne montrent pas que les scènes que Moussorgski prétendait pourtant figurer, il s’arrêtait sur le moment où le compositeur fait entendre des enfants qui rient, qui se raillent en faisant « nya nya / nya nya ». Peut-être que Moussorgski ne notifiait ses « nya nya / nya nya » que pour alimenter le paysage sonore des jardins des Tuileries peuplés d’enfants. D’où cette manière de marquer musicalement les petits rires de raillerie dans un fragment mélodique qui entend imiter le sarcasme à l’état infantile. Là où d’autres compositeurs, portés par d’autres nécessités dramatiques, peuvent donner au rire mis en musique une tonalité autrement plus terrible, pour ne pas dire déchirante. S’il ne fallait retenir qu’une seule manière de mettre le rire en musique, on risquerait de se laisser avachir dans le gimmick qui vient souligner d’une gamme descendante un trait d’humour ou plutôt : son ratage en règle. Au cours de ce numéro de Metaclassique, nous ne nous résignerons donc pas à ne retenir qu’une seule manière, vous allez pouvoir entendre plus d’une vingtaine d’exemples de manières musicales de rencontrer le rire, grâce à la musicologue Muriel Joubert qui a co-dirigé avec Denis Le Touzé et au compositeur Stéphane Borrel qui est à l’origine d’une fresque électroacoustique intitulé « Anthologie du rire ».

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #204 – Dédicacer

Un romancier qui dédicace un exemplaire de son livre à un lecteur, peut être tenté de lui témoigner de son affection comme pour le remercier d’avance de l’attention qu’il va apporter au roman. Pour ce faire, il peut aussi apporter un commentaire à l’œuvre en question. Si bien qu’on pourrait aller jusqu’à se demander si, pour ponctuelle qu’elle soit et plus ou moins unique, la dédicace ne fait tout de même partie intégrante de l’œuvre. D’ailleurs, si on revend si cher les exemplaires dédicacés de grands chefs d’œuvre de la littérature ou les partitions avec petit mot du compositeur, c’est donc que l’on tient ses gribouillis ou petites phrases en dédicace pour un fragment de l’œuvre de l’artiste qui veut bien s’y prêter. Partant du principe que les dédicaces sont des prolongations des œuvres ou, à défaut, des petits surgeons, il n’y a aucune sorte d’exagération à dire que cette émission va vous faire entendre des œuvres inédites de grands compositeurs du 19ème siècle, en feuilletant en compagnie le musicologue Robert Adelson, l’album d’autographes musicaux collectionnés tout au long de sa vie niçoise par le Comte de Cessole.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

[Index des extraits]

Metaclassique #203 – Réveillonner

Au cours d’un réveillon, il se passe toujours plus ou moins la même chose : on est content de se retrouver, on est même excité qu’arrive enfin la date annoncée, on est plus ou moins conscient de pourquoi on ne cherche pas à se voir plus souvent, on est au bord de la grosse dispute, mais on se rappelle que c’est Noël : alors, on chante sans retenu, comme pour se défouler. C’est cathartique. Ou alors, c’est une sorte de superstition. D’ailleurs, au cas où ça pourrait être de bonne augure : on fait des belles déclarations, on se rappelle de sa liste de cadeaux inespérés et quand ils arrivent, les cadeaux sont effectivement inespérés ou tellement inattendus qu’ils en sont insupportables : alors, on s’agace, on va chercher à boire ou à manger, on se demande qui devait apporter les huîtres, les uns noient le poisson, les autres continuent de parler d’autre chose. D’ailleurs, on chante à nouveau, on se raconte des blagues qui ne sont tellement pas drôles qu’elles sont très hilarantes. Alors, pour ce numéro de Réveillonner, la compagnie Turbulences a fait tout ça, a reconstitué& toutes les étapes du réveillon bien et très bien à sa façon. Pour Noël, les Turbulents offrent à Metaclassique : une heure de rêves irréalistes, d’histoires drôles hilarantes de nullité, de bons sentiments d’une hypocrisie jubilatoire et de chants de Noël joyeusement détonants.

Une émission produite par David Christoffel et co-réalisée avec Léonard Pauly.

Metaclassique #202 – Bouger

Les effets de manche et autres effets de mèche peuvent gâcher un concert. Pour Metaclassique, le pianiste David Kadouch a accepté de livrer un récit de conversion ou comment en est-il arrivé, en jouant du piano, à se concentrer pour moins bouger. Nous entendrons aussi le musicologue quoique d’abord mélomane Jean-Claire Vançon qui ne sait pas écouter de la musique sans bouger et éprouve le besoin d’accompagner son écoute de mouvements. Puisque la gestique des musiciens peut donc appeler à commentaires pour elle-même, avec l’étudiante en musicologie Chloé Rouge, nous avons regardé des vidéos de pianistes sans mettre le son qui n’a été rétabli qu’après.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.