Metaclassique #221 – Interragir

À la sortie d’un concert de Kraftwerk, certains se demandent : est-ce qu’ils ont vraiment jouer de la musique ou est-ce qu’ils jouer à Tetris en attendant qu’une bande son se déroule ? Quand les instruments de musique électronique passent pour des boites noires, tous les faits et gestes des musiciens pourraient passer pour un seul tour de passe-passe, voire une franche supercherie. Au lieu d’une défiance à l’égard de l’ensemble des musiciens électroniques, au-delà même de la peur qu’ils nous dupent, il y a une question toute scientifique, pour au moins dire qu’elle gagnera à ce qu’on l’aborde sans préjuger coupable qui que ce soit : Est-ce qu’appuyer sur un bouton, c’est déjà jouer de la musique ? De fait, il ne se passe pas exactement la même chose quand on joue du violoncelle et quand on joue de la musique à partir d’un laptop. Dès l’ouverture, le désir n’est pas exactement du même ordre quand on ouvre une boîte de violoncelle et quand on ouvre un logiciel. A l’occasion de la parution de l’ouvrage collectif La musique et la machine aux Presses Universitaires de Rennes, nous recevons trois de ses contributeurs. Rassemblés à La Cassette, Pierre Couprie, Baptiste Bacot et, avec un léger différé, le musicologue Emmanuel Parent.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #220 – Monter

Faire un disque de musique classique, c’est faire un disque. Ce n’est pas parce qu’on enregistre des pièces du 18è siècle, des œuvres antérieures aux technologies de studio, que les ingénieurs du son devraient être plus parcimonieux dans leurs interventions. Sauf si les interprètes le refusent formellement, il est courant qu’il y ait du montage dans un disque de musique classique, non seulement entre les pistes, mais souvent au cours d’une même œuvre. Les mesures 12 à 16 peuvent provenir d’une autre prise que les mesures 1 à 11, par exemple. Et les interprètes eux-mêmes peuvent développer un goût ou une obsession ou un raffinement spécial dans le montage de leur disque. Le claveciniste Pierre Hantai enregistre des disques depuis plus de trente ans. Depuis le temps, son jeu a mûri et son rapport à la préparation d’un disque s’est perfectionné. Entre ses premiers disques et aujourd’hui, il s’est quelquefois perdu dans la vaste étendue des possibilités de retouches que la post-production peut offrir. C’est dire s’il y a de quoi mobiliser un plein numéro de Metaclassique pour déplier avec lui les questions qu’il s’est posé en enregistrement et les réponses qu’il a pu trouver pour tenter d’en venir à bout.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #219 – Buzzer

(c) Manu Clabecq 

En quelle année est née Louise Bertin ? 1725, 1805 ou 1885 ? Non, vraiment, il semble que les quizz ne posent pas les bonnes questions… Du bout du buzzer, on peut même se demander : est-ce qu’il est si important de savoir en quelle année Louise Bertin est née pour apprécier sa musique ? Et si oui, est-ce que faire des quizz où « tu sais, tu gagnes ; tu sais pas, tu perds », est un moyen efficace pour faire connaissance avec l’œuvre de la compositrice qui, de fait, est née en 1805. Dans ce numéro « Buzzer » de Metaclassique, on va donc tenter de faire autrement : des quizz où la question peut être le préalable d’une discussion ou, plus franchement, l’ouverture d’un débat. Au lieu de faire mousser ceux qui ont plus de culture musicale que les autres, le jeu que vous allez entendre a été imaginé pour nourrir des échanges. À l’occasion des Foliephonies XX Elles organisée par la compositrice Lucie Prod’homme au Conservatoire Montserrat Caballé de Perpignan, nous avons imaginés un quizz à la découverte de compositrices restées dans l’angle mort des projecteurs de l’histoire de la musique toujours si massivement tournés vers les compositeurs. Un petit jeu auquel Metaclassique a aussi convié les étudiants de Master en musicologie des universités de Tours et Poitiers qui ponctueront les enregistrements réalisés avec les élèves du Conservatoire de Perpignan.  Avec la participation d’Aliette de Laleu.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #218 – Exposer

Au milieu du 19è siècle, les diverses nations du monde ont développé une nouvelle manière d’exhiber leurs fiertés respectives à la face des unes des autres sous une forme pacifique quoique compétitive, en organisant à tour de rôle des Expositions universelles. Ce sont dans ces manifestations de réputation mondiale que les pays assez riches pour se le permettre viennent montrer leurs grandes réalisations et donner un rayonnement international à leurs grands génies. Au départ, il était surtout question de génie industriel. Jusqu’à ce qu’on vienne rapidement, à Paris, mêler le génie artistique aux affaires et vouloir assez tôt « exposer la musique, comme si cet art pouvait être traité de la même manière que les disciplines plastiques » (p. 21). Les solutions qui ont alors été trouvé pour exposer la musique ont aussi amenées de nouvelles manières d’écouter la musique. Mais ces stratégies de cohabitation de la musique avec le génie industriel semblent s’être transformées en normes d’exposition qui se déploient bien au-delà des quelques moins que durent, chaque fois, les Expositions universelles. Pour approfondir l’impact de ces manifestations emblématiques des premières décennies de la société industrielle sur la manière de promouvoir la création musicale, c’est au Salon Mahler de la Bibliothèque La Grange Fleuret que nous recevons le musicologue Étienne Jardin qui a fait paraître aux éditions Horizons D’Attente l’essai Exposer la musique. Le festival du Trocadéro (Paris 1878) et le philosophe Yaron Pesztat qui signe Expositions universelles. Le procès perdu de l’architecture moderne co-édité par CFC et AAM.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #217 – Abrutir

« La domestique est une déracinée, elle adopte le code bourgeois avec d’autant plus de force qu’elle fuit la terre et ses origines. Elle devient du code des maîtres le suppôt le plus convaincu. C’est le cas de Bécassine, qui pousse l’assimilation jusqu’à la caricature. Bécassine reste constamment admirative et respectueuse de la classe des puissants, sa maîtresse et les dames du faubourg Saint-Germain. » Dans La place des bonnes qu’elle écrit en 1979, Anne Martin-Fugier précisait encore que « Ce sentiment qu’a Bécassine de faire partie d’une caste privilégiée est une survivance de l’époque où l’aristocratie entretenait de véritables maisonnées de serviteurs[1]. »

Mais alors : d’où vient que les bonnes se trouvent représentées sous des traits aussi abruties par les maîtres, comme si elles faisaient partie d’une faction de la classe ouvrière que la Révolution n’avait pas réussi à émanciper ? La chose est évidente dans Bécassine, mais aussi dans un certain nombre de romans, mais encore d’opéras et d’opérettes du 19ème siècle. Avec le soutien de l’Opéra-Comique, Emmanuelle Cordoliani s’est lancée au sein du CNSMD de Paris dans un projet de « recherche en art » sur la représentation des domestiques à l’Opéra. Intitulé « La bonne cause », le projet est aussi une bonne occasion pour Metaclassique d’enquêter sur les procédés d’abrutissement des domestiques aussi bien dans les romans et sur les scènes d’opéra que dans la vraie vie d’aujourd(hui. Pour ce faire, vous allez pouvoir entendre les élèves en art vocal du CNSMD de Paris en répétition avec Emmanuelle Cordoliani, les historiens Jean-Claude Yon et Pierre Girod, mais aussi deux chercheuses associées au projet : la sociologue Alizée Delpierre qui a signé Servir les riches aux éditions La Découverte et Alice de Charentenay qui a soutenu une thèse sur la figure de la servante dans les romans français de la deuxième partie du 19ème siècle.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.


[1] Anne Martin-Fugier, La place des bonnes, Paris, éditions Perrin, 2004 [Grasset, 1979], p. 200-201.

Metaclassique #216 – Transcrire

Un peu comme les enfants qui rejouent les blockbusters dans leurs chambres avec les moyens du bord, les transcriptions de grands airs d’opéra passent pour des répliques ludiques et périphériques des spectacles d’opéra, au mieux des produits dérivés des grandes institutions lyriques. Pourtant, à regarder le nombre de partitions en circulation au 18è siècle qui invitaient les clavecinistes à jouer des fragments d’opéra au salon, les contacts avec le répertoire du théâtre lyrique devaient être beaucoup plus courants autour du clavecin que devant les grandes scènes. Si bien que ce sont les fastes des théâtres lyriques qui étaient peut-être les produits dérivés de leurs avatars au clavecin. Ce dont on peut être sûr, c’est que l’art de transcrire l’opéra au clavecin appelle un grand raffinement et mérite qu’on s’y mette à plusieurs et qu’on s’entoure au mieux pour ce faire. L’Abbaye de Royaumont a accueilli une formation intitulée « Opéra au clavecin », à l’initiative de deux musicologues Marie Demeilliez et Thomas Soury et deux clavecinistes Jean-Luc Ho et Olivier Fortin. Invité à y promener ses micros, Metaclassique vous propose un documentaire avec des extraits de cours, d’apartés avec quelques-uns des stagiaires comme Lucie Chabard, Baptiste Guittet, Santiago Gervasoni et Alessio Zanfardino / et : le facteur de clavecins Emile Jobin qui a fabriqué tous les clavecins que vous entendrez au cours de cette émission.   

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #215 – Trinquer

Dans la septième de ses quarante-et-une dissertations, le rhéteur grec du IIè siècle Maxime de Tyr entend prouver que « La philosophie s’approprie à toutes les situations de la vie ». Pour le prouver, il procède par élimination. Et quand c’est au tour de la musique d’être éliminée, pour chercher à démontrer que la musique n’a pas la capacité à « s’approprier à toutes les situations de la vie », Maxime de Tyr assure que les philosophes ne sont pas « moins capables que les musiciens de se prêter à cette variété d’harmonie, à cette diversité de tons qui lui sont propres[1] ». Même s’il admet qu’il y a un moment unique marqué pour le musicien qui sait marier les doux accents de sa voix aux tendres sons de la guitare, c’est celui où les tables regorgent « de mets et de vins, et où les échansons versent à boire à la ronde ». Si on suit les raisonnements de Maxime de Tyr, à moins qu’on ne s’y perde, les musiques bacchiques et autres chansons à boire pourraient bien être les seules à s’approprier à des situations de la vie encore mieux que la philosophie pourtant réputée faire face à toutes les situations. C’est dire qu’en consacrant un numéro de Metaclassique aux airs à boire, la responsabilité pourrait être lourde. C’est dans le salon Mahler de la Bibliothèque La Grange Fleuret que nous recevons les musicologues Florence Gétreau et Robin Bourcerie pour des échanges qui veulent faire trinquer les musiques bacchiques sous l’Ancien Régime et qui seront agrémentés des interventions de Thomas Soury et Léonard Pauly.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.


[1] http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/maxtyr/sept.htm#6a

Metaclassique #214 – Chanter

Est-ce que la musique est toujours la bienvenue avec la poésie ? Tous les poètes sont loin d’en être sûrs… Paul Valéry disait avoir « toujours pensé que la musique et la poésie se nuisaient en s’associant ». Paul Verlaine aurait même écrit à Gabriel Fauré : « Qu’est-ce qui vous a pris de mettre de la musique sur ma musique ? » La saillie laisse entendre que la musique qui s’ajoute à la poésie n’est encore pas la musique que la poésie voudrait pouvoir faire toute seule ou qu’elle continue de tenir à l’écart pour bien montrer qu’elle est ailleurs. C’est peut-être pour faire poésie qu’elle se garde de donner dans le lyrisme. C’est peut-être pour re-refaire autrement que la poésie pourrait bien se mettre à rechanter. D’un lyrisme l’autre est le titre d’un livre publié par les éditions MF qui rassemble des entretiens menés par Laure Gauthier avec des figures de la poésie travaillées par la frontière avec la musique et, réciproquement, des gens de la musique qui travaillent avec la poésie. Au fil de ces entretiens, Laure Gauthier offre un nuancier des positions sur les lisières, dont ce numéro de Metaclassique propose de marcher sur les crêtes. Rassemblés dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information pour restituer les points de friction qui frictionnent les différentes positions, nous recevons Laure Gauthier, mais aussi la chercheuse Anne-Christine Royère, la compositrice Núria Giménez Comas et l’un des poètes qui s’est entretenu avec Laure Gauthier : Frank Smith.

Une émission réalisée et montée par David Christoffel.

Metaclassique #213 – Filer

Entre le moment où il répète une œuvre et le moment où il l’exécute, il y a un moment où le musicien fait un « filage », c’est-à-dire qu’il répète l’œuvre d’un bout à l’autre, sans s’arrêter. À ce moment-là, toutes les difficultés techniques ont été dépassé, l’interprète est prêt à livrer l’œuvre en public ou à l’enregistrer pour le disque. Mais ce moment de filage n’est pas encore un moment de pleine maîtrise. C’est pourquoi on peut filer, encore et encore. Même si le « filage » n’est pas encore tout à fait une interprétation, il est une version qui commence à se vouloir sérieusement présentable.

Tout en passant par son compte Instagram, comme suspendus à son « fil d’actu » musicale, Metaclassique s’est donc lancé dans une filature du saxophoniste Sandro Compagnon, du conservatoire de Saint-Maur aux quais de Seine, pour tirer et étirer ces quelques ficelles de l’interprète ; avec la complicité du compositeur Bruno Mantovani.

Une émission produite par David Christoffel et réalisée par Léonard Pauly.

Metaclassique #212 – Habiter

La musique peut toujours prendre les sons de la nature, elle peut le faire par plaisir, mais pourquoi pas par malice ou par inadvertance. Si bien que la reprise de sons de la nature ne suffit à dire d’une musique qu’elle est écologique. D’autant que depuis qu’on se soucie d’associer nos questions d’environnement à l’art des sons, on ne se satisfait plus vraiment de les limiter aux seuls sons de la musique. En plus, quand on prête l’oreille à l’environnement, on se trouve nécessiteux d’y articuler un récit ou de reconsidérer la nature de notre parole à l’endroit de ce qu’on peut en entendre ou en ressentir. Réunis à La Cassette vous pourrez entendre dans cette émission les réflexions de l’éco-musicologue Antoine Freychet portées Makis Solomos et les retours d’enquête poétique de Clara Breteau sur ceux qui engagent leur vie autonome et sur la part de poésie qu’on peut y trouver. Mais comme nos considérations musicales pourraient alors changer de voix au fil de l’émission, nous aurons aussi la visite d’un chien, parce qu’il est journaliste musical et parce qu’il s’appelle encore très distinctement Antoine Couder.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #211 – Syntoniser

Dans les années 1930, le sociologue George Herbert Mead avait remarqué que les lutteurs communiquent entre eux au moyen d’une « conversation des gestes » qui, pour chacun, facilite la prévision du comportement de l’autre et l’orientation de son propre comportement. À sa suite, Alfred Schütz notait que « deux joueurs d’échecs qui ont tous deux une connaissance de la signification fonctionnelle des pièces en général, ainsi qu’une connaissance de la configuration unique et concrète qui se posera à un moment donné d’un jeu particulier, peuvent se communiquer leurs pensées. Ils le font selon les termes du « vocabulaire » et de la « syntaxe » déterminés par la « règle du jeu ». »

Ces manières de se coordonner par des moyens de communication quasi extra-sensoriels peuvent s’appeler la « syntonisation ». La pratique musicale s’en saisit volontiers quand plusieurs musiciens cherchent à partager une pensée du son unitaire et homogène alors qu’ils n’ont pas encore produits un seul son ensemble, mais aussi quand un auditeur saisit la musique à l’œil et se met à entendre une œuvre dont il ne fait pourtant que regarder l’exécution.

Pour approfondir les dimensions esthétiques autant que pédagogiques de la syntonisation, nous recevons François Joliat qui est professeur pour le Domaine de recherche Arts à la Haute école pédagogique des cantons de Berne, Jura, Neuchâtel (HEP-BEJUNE) en Suisse. Au cours de l’émission, nous entendrons aussi le compte-rendu des recherches que la violoniste Audrey Sproule a mené, avec François Joliat, au CNSMD de Paris, mais aussi Léonard Pauly qui a méta-testé les jeux de cartes de Zener utilisées par Rhine pour tester ses capacités de perceptions extra-sensorielles.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #210 – Se cacher

Quand on fait du piano au Conservatoire et, dans le même temps, des arts plastiques à l’université, on se doute que ça augmente les chances de croisements et qu’on est d’autant plus susceptible de faire déjà des arts plastiques en faisant musique et encore de la musique alors qu’on est en train de dessiner ? Depuis sa double formation il y a une quinzaine d’années, Mélanie Delattre-Vogt s’est davantage tournée vers le dessin, mais sa vie d’artiste reste traversée par la musique et par tout ce qu’elle trouve en chemin, comme perdu dans la nature. Le titre de son exposition à la Galerie Duchamp à Yvetot Cheese and fermented milk foods a été trouvé, comme s’il s’était d’abord perdu au Lycée agricole d’Yvetot. Et comme « nature aime à se cacher », au fil de cette émission avec Mélanie Delattre-Vogt, nous allons donc chercher où nous cacher et, chemin faisant, trouver à glisser dans les musiques glanées de quoi aller au bout du jeu. Car ce numéro de Metaclassique repose en effet sur un jeu. Mélanie Delattre-Vogt ne va pas répondre à tout un tas de questions. Nous lui avons proposé de plutôt choisir dans un petit tas de douze questions laquelle lui semble propice à faire douze réponses, dans un lieu chaque fois différent. Les douze lieux pourront être réels ou imaginaires, ils seront chaque fois décrits par Léonard Pauly qui, le temps de cette émission, s’est donc converti en géo-localisateur.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.