Metaclassique #165 – Dédire

Opéra Les Oiseaux Walter Braunfels Création française Nouvelle production de l’OnR.

Evelpidès demande au geai : « Est-ce tout droit que tu me dis d’aller, du côté où l’on voit cet arbre ? » En guise de réponse, Pisthétéros qui tient une corneille, s’exclame : « La peste te crève ! La voilà qui me croasse de revenir en arrière ! » Si les deux amis, Evelpidès et Pisthétéros ne se parlent plus directement, c’est qu’ils ont tous les deux pris la décision de se détourner du langage humain pour suivre là où les oiseaux pourront les mener. Ainsi commence Les Oiseaux, une comédie d’Aristophane donnée aux Grandes Dionysies en 414 avant l’ère commune qui a donné lieu à des déclinaisons modernes. L’Opéra national du Rhin a ainsi donné, début 2022, la création française de l’opéra Les Oiseaux que le compositeur Walter Braunfels avait fini de composer en 1920. Alors que les cinéastes Graeme Thomson et Silvia Maglioni ont sorti, en 2019, le film Common birds qui transpose Les Oiseaux d’Aristophane dans la Grèce d’aujourd’hui, celle du surendettement. Pour articuler les motifs qui portent Evelpidès et Pisthétéros à dédire, à sortir le langage humain en suivant les oiseaux, vous entendrez au cours de cette heure de Metaclassique : le directeur de l’opéra national du Rhin, Alain Perroux, la cantatrice qui interprète le rôle du Rossignol, Marie-Eve Munger, mais aussi les cinéastes Graeme Thomson et Silvia Maglioni.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #164 – Vocaliser

Pendant que les instrumentistes font des gammes pour apprendre à dompter les difficultés techniques par toutes sortes de combinaisons classées par ordre de difficulté, les chanteurs se prêtent à des vocalises pour gagner en virtuosité. Dans un Nouveau dictionnaire de musique de 1855, Charles Soulier définit le verbe Vocaliser comme l’action de « Chanter selon les règles de la méthode vocale, mais sans nommer les notes et sans y adapter d’autres paroles que les voyelles sonores[1]. » Mais la frontière entre l’exercice et la musique est franchie quand on commence à mettre des paroles à ces vocalises. Et alors que les gammes ne se donnent pas en concert, les vocalises peuvent basculer de la démonstration vocale et même devenir des morceaux de musique interprétés par… des instrumentistes. Pour faire l’histoire de ce genre qui n’en a pas toujours été un et qui ne demande pas forcément à le rester, Metaclassique reçoit cette semaine Justin Ratel : étudiant en musicologie au CNSMD de Paris, il s’intéresse à l’histoire de la vocalise et il a sollicité la pianiste Marianne Leu pour accompagner quelques vocalises et prêter sa voix aux citations des pédagogues qui ont jalonné cette histoire. Mais pour pousser la vocalise de départ, on a choisi Pavarotti.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.


[1] Charles Soulier, Nouveau dictionnaire de musique illustré, élémentaire, théorique, historique, artistique, professionnel et complet : à l’usage des jeunes amateurs, des professeurs de musique, des institutions et des familles, Paris, E. Bazault, 1855, p. 381.

Metaclassique #163 – Parler

A pister les réactions du cerveau face à de la musique, on a pu relever que ce ne sont pas les mêmes parties qui réagissent que devant un discours. Même si elles ont toutes sortes de liaisons entre elles, les zones du cerveau stimulées par la musique et par la parole sont différentes. Manière d’accuser physiologiquement le fait que la parole n’est pas tout à fait un chant comme les autres. Parler étant donc une alternative à chanter, il reste à pister ce que le parlé peut faire de tellement spécifique dans un opéra ou auprès d’une musique. Pour déplier un éventail de situation assez ample, Metaclassique a invité la musicologue Michela Niccolai qui vient avec Maria Encina Cortizo, de publier aux éditions Brepols, un ouvrage collectif intitulé Singing Speech and Speaking Melodies* avec un ensemble d’études sur le théâtre musical des 18 et 19è siècles, mais aussi le compositeur Pierre-Yves Macé dont l’écriture musicale s’attache à suivre les plis mélorythmiques de documents collectionnés par L’Encyclopédie de la parole, et le poète Luc Bénazet qui, au moment de dire ses textes en musique, fait subir aux syntagmes des opérations qui réveillent elles aussi un sujet dont nous débattons pendant une heure en public, dans l’espace musique de la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #162 – Compter

Tom Johnson - Despatin & Gobeli
Tom Johnson- Despatin & Gobeli

Depuis que l’on élabore des gammes, depuis qu’on pense les sons dans des rapports de hauteur, il n’y a donc plus de musique sans nombre. De là à dire que c’est, par les nombres, que la musique est rattachée à l’ordre du monde, il y aurait un saut spéculatif que tous les compositeurs ne font pas, même quand ils recourent ouvertement aux mathématiques pour faire de la musique. Quand bien même un compositeur attribuerait la perfection des mathématiques au créateur, le musicologue qui analyse ses partitions ne serait pas forcément d’accord sur ce point. Surtout que le compositeur dont nous allons parler aboutit souvent à des situations qui, en plus, ont quelque chose de très drôlse. Depuis les années 1980, toutes les musiques imaginées par le compositeur Tom Johnson suivent des principes empruntés aux mathématiques. Mais au lieu de faire une musique mathématique, il est sûrement plus évident que Tom Johnson fait de la musique logique. C’est d’ailleurs l’adjectif choisi par le musicologue Gilbert Delor qui a fait paraître une monographie sur l’œuvre du compositeur. Pour ce numéro, Metaclassique a donc installé ses micros chez Tom Johnson pour le mettre en dialogue avec Gilbert Delor.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, avec la complicité de l’ensemble Dedalus et des Instants Chavirés.

TOM JOHNSON OU LA MUSIQUE LOGIQUE, Gilbert Delor - livre, ebook, epub

Metaclassique #161 – Multiplier

S’il y a bien un instrument qu’on entend souvent tout seul, c’est le piano . Et quand il joue avec orchestre, c’est le plus souvent pour apparaître à nouveau en solitaire. Alors qu’en sortant de la vision facilement romantique du pianiste virtuose, on peut imaginer y mettre plus de deux mains. Et comme l’accumulation peut tourner à la surenchère, on peut même se demander jusqu’où on peut aller. Metaclassique accueille deux compositrices : Graciane Finzi et Lucie Prod’homme qui partagent le point commun d’avoir composé pour 4 mains tout en ayant des visions différentes du piano collectif. Cette émission a été enregistrée en public dans le cadre de la Première Biennale de piano collectif au Conservatoire de Saint-Denis (92) en association avec la Maison de la Musique Contemporaine et sa chargée de veille, Anabelle Miaille.

Metaclassique #160 – Ossifier

Quand on parle musicalement des os, il y a au moins deux approches : le squelette comme source de perceptions musicales ou bien les os comme source de sons. Dans un précédent numéro de Metaclassique, sous le titre « Toucher », nous avions détaillé comme les os pouvaient résonner, être conducteur du son, comment on pouvait entendre par les os. Dans ce numéro « Ossifier », nous allons chercher comment les os peuvent produire de la musique et, plus fondamentalement encore, régénérer l’imaginaire musical. Pour cela, nous accueillerons un duo de musiciens : Mirtha Pozzi* et Pablo Cueco qui jouent sur des mâchoires d’ânes ou avec des carapaces de tortue, nous rendrons visite au compositeur Kryštof Maratka qui construit des trans-instruments archaïques pour d’autant mieux développer une sensibilité paléosympathique à la musique – et : nous recevons tout d’abord, Julien Boutonnier qui fait paraître au Dernier Télégramme, Les os rêvent, un ouvrage d’ostéonirismologie, une science « dont l’objet est d’identifier et de classer les rêves » – non pas les rêves que font les humains, mais bien les rêves des os.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

*Charger la partition Péri-péties

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Metaclassique #159 – Ambiancer

La musique ambient est presque toujours nappeuse. La musique ambient est souvent enveloppante. La musique ambient est peut-être même cosmique. On dirait que la musique ambient est enroulée sur elle-même et continue de s’enrouler jusqu’à agglutiner des musiques ancestrales elles-mêmes remises en route grâce aux technologies sonores dernier cri. La musique ambient entre en résonnance avec l’univers tout en étant high tech. Parce qu’à force d’aligner les adjectifs pour qualifier la musique ambient, à force de faire tourner ses caractères les uns autour des autres comme dans un nuage, la musique ambient semble sur le point de complètement mélanger tout ce qui pourrait la qualifier. D’autant plus qu’entre le moment où elle est repartie loin en arrière se chercher des origines millénaires et sa renaissance sur les plateformes de streaming à consommer en solitaire, il paraît qu’elle est devenue de plus en plus apocalyptique. Metaclassique voudrait raison garder et reçoit, pour un numéro « Ambiancer », Jean-Yves Leloup, auteur aux éditions Le mot et le reste d’une encyclopédie anthologique dédiée à l’Ambient music.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #158 – Bourdonner

Le bourdon est commun à la cornemuse, au chant diphonique, à la musique ambient, au chant grégorien ou encore aux ragas indiens. Au cours de ce numéro « Bourdonner » de Metaclassique, nous recevons successivement quatre invités à qui le mot « universel » peut échapper de temps en temps : le musicologue David Fiala pour savoir pourquoi le bourdon est fondamental sans être pour autant l’essentiel dans le chant grégorien, le sitariste Michel Guay pour expliquer comment les harmonies de la musique indienne regorgent d’un bourdon volontiers comparée à l’énergie vitale cosmique, la traductrice Fanny Quément à propos des possibles hésitations, dans le passage de l’anglais au français, entre les mots bourdon, drone, nappe… Et nous recevons encore, en fin d’émission, Martine Bardon pour évoquer les travaux de son mari Paul Bardon sur le faux bourdon dans le Requiem de Mozart.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #157 – Compléter

Manuscrit inachevé du « Lacrimosa » du Requiem de Mozart

Quand on a du mal à admettre qu’une œuvre inachevée est donc totalement une œuvre, c’est bien par respect pour l’intention du créateur qui n’a pu réaliser l’œuvre jusqu’au bout. Parce qu’il faut tout de suite préciser que l’inachèvement n’est pas toujours volontaire. Et quand il n’est pas volontaire se pose la question de compléter : le faut-il vraiment ? Et, si oui, jusqu’où peut-on mimer le style du compositeur ? À quel point faut-il, comme dans la restauration d’un tableau, laisser apparente la frontière entre la partition originale et la complétion ?

Pour apporter des réponses ou, à défaut, des avis éclairés sur ces question, ce numéro « Compléter » de Metaclassique accueille Pierre-Emmanuel Lephay qui a consacré une thèse soutenue à l’Université de Strasbourg, sous le titre « Que faire d’une œuvre inachevée ? » et le compositeur et chef d’orchestre Benjamin Garzia, chercheur associé en charge du fonds Mahler de la Bibliothèque La Grange Fleuret.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel, enregistrée en public à la Bibliothèque La Grange-Fleuret.

Metaclassique #156 – Ordonner

Les orchestres militaires jouent de la musique militaire. Mais les orchestres militaires étant des orchestres, ils peuvent aussi jouer de la musique pas seulement militaire. Si la musique peut bien émanciper les musiciens militaires de leurs rôles militaires, c’est peut-être parce qu’à l’origine, leur fonction était beaucoup moins musicale que stratégique : les tambours et les clairons servaient à donner l’alerte, à rapatrier les troupes, à ordonner la charge. Avant la radio et les systèmes modernes de télécommunication, les soldats au front communiquaient par des ordres et sonneries. Et comme ces ordres et sonneries ont une signification, comme ils relèvent d’une signalétique sonore, un mot a été inventé pour éviter toute confusion avec la musique : la « céleustique ». Par céleustique, on entend donc l’art de transmettre des ordres par des signaux sonores. Pour interroger les frontières entre sonneries et musique, Metaclassique reçoit Thierry Bouzard qui enseigne l’histoire de la musique militaire au COMMAT, le Commandement des Musiques de l’armée de terre et qui signe, aux éditions L’Harmattan, le livre Histoire des signaux d’ordonnance.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #155 – Pulser

Dual-axis time display showing beam loss: 0.5 m-sec/cm horizontal; 6 cm vertical for 2 m-sec. Photograph taken August 19, 1964. Bevatron-3616.

L’année où Maelzel dépose le brevet du métronome, en 1816, Laënnec invente le stéthoscope. C’est-à-dire qu’au moment où un instrument offre les moyens de mécaniser le tempo, un autre apparaît pour mettre sous écoute « médiate » les pulsations cardiaques. Que l’on parle d’une musique qui « pulse » et on entend une musique qui se veut plus vivante que les autres sous prétexte qu’elle souligne ses pas – à moins qu’elle ne soit, alors, une musique carrément martiale. Alors qu’en écartant l’attention d’une seule question de tempo, en superposant deux notes de hauteurs très rapprochées, peut se dégager du frottement harmonique : un battement, peut-être une autre sorte, plus granulaire, de pulsation. D’où l’envie de consacrer un plein numéro à la pulsation, à démêler ou encore mieux emmêler la pulsation dans le grain et la pulsation striante, celle du métronome. 

Enregistré dans l’espace musique de la Bibliothèque Publique d’information au Centre Pompidou, ce numéro de Metaclassique va donc creuser la pulsation. Et comme ces questions impactent directement les manières de se projeter dans le verbe, nous recevons la poètesse Anna Serra qui porte l’idée et la dynamique d’une « poésie pulsée* », le compositeur Florent Caron Darras dont la musique pulse sous des échelles qu’il préfère varier entre elles et les accordéonistes Fanny Vicens et Jean-Etienne Sotty qui forment le duo XAMP, avec des accordéons augmentés qui descendent volontiers en-dessous du conventionnel demi-ton… et que l’on entend d’abord jouer Wander Steps, une pièce composée pour eux par Pascale Criton.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

* cf. Note Poésie Pulsée, in Je suis amoureuse, ed. Lanskine, 2019.

Metaclassique #154 – Frémir

Le verbe « Frémir » est souvent défini comme un verbe actif : frémir veut dire : « s’agiter avec un bruissement. » Mais le verbe s’emploie aussi bien pour décrire un tremblement subi : frémir veut dire alors : « être agité d’un faible mouvement d’oscillation ou de vibration qui produit un son léger, confus ». Par exemple, l’eau qui frémit avant d’entrer en ébullition peut bien passer pour une eau qui subit les effets de la chaleur : tout en perdant son calme, au moment de bouillir, c’est tout de même bien quelque chose d’elle qui semble faire agitation. Le frémissement passif n’est peut-être jamais loin de basculer dans la franche ébullition, active, sans ambiguïté. En 2019, le compositeur Juan Arroyo a composé JH, tribute to Jimi Hendrix – une pièce pour guitare seule créée par le guitariste Omar Nicho.

C’est avec la complicité de Bastien Gallet que Metaclassique a proposé à Omar Nicho de donner l’œuvre en public et à Juan Arroyo de venir la commenter. Et c’est le moment venu que le compositeur a décidé que ce numéro serait scellé sous le titre verbe : « Frémir ». Un numéro de Metaclassique qui a donc été enregistré en public dans les locaux du collectif de création et de production artistique La Centrale 22, qui se terminera à la manière d’un récital, avec des pièces de Villa-Lobos et Jean-Sébastien Bach et qui commence par trois mouvements de JH, tribute to Jimi Hendrix de Juan Arroyo.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.