Metaclassique #101 – Doubler

Dans une lettre au compositeur Carl Friedrich Zelter, le poète Wolfgang von Goethe écrit un jour, alors que le genre du quatuor à cordes était encore tout récent : « Nous entendons discuter quatre personnes intelligentes, nous pensons saisir des morceaux de leur conversation tout en découvrant quelque chose des spécificités des instruments. » L’analogie entre le quatuor à cordes et la conversation intelligente a suffisamment marqué les esprits des musiciens pour que leurs partitions s’agencent comme des questions réponses à la fois bienveillantes et profondes, une sorte d’idéal de l’échange constructif, pas loin d’une utopie sociale concrétisée. Par contre, l’analogie n’avait pas encore été saisi comme une occasion radiophonique pour inviter les quatre musiciens d’un même quatuor à doubler verbalement leurs parties, phrase à phrase. C’est à cette expérience inédite que nous avons invité les quatre membres du Quatuor Tchalik : en exclusivité pour Metaclassique, partitions sous les yeux, les violonistes Gabriel Tchalik et Louise Tchalik, l’altiste Sarah Tchalik et le violoncelliste Marc Tchalik nous offrent donc un doublage de leur enregistrement des deux quatuors de Reynaldo Hahn.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #100 – Cristalliser

Quand on écoute de la musique à la radio, on dit qu’on écoute de la musique. Mais quand on écoute un débat ou un documentaire, on dit plutôt qu’on écoute la radio. À moins qu’on dise qu’on écoute… les infos ! On peut évidemment en déduire que la musique est une chose très différente des infos, mais on peut aussi comprendre que la radio est aussi une chose bien différenciée des seules infos ou de la stricte musique. Si c’est un peu plus ou un peu moins que des infos, qu’est-ce que c’est ? Et ça, à force d’être préparée de manière particulière, la radio pourrait être une sorte de musique, est-ce qu’il lui faut une esthétique spéciale ? A moins que l’art radiophonique et les arts sonores qui s’ensuivent, sont à compter parmi les musiques expérimentales. Bref, à force d’interroger la musique par les moyens propres de la radio : Metaclassique célèbre son centième numéro en consacrant la question : à partir de quand la radio s’écoute, en tant que radio, comme de la musique. Pour cela, nous entendrons au cours de cette émission Gérard Pelé qui a fait paraître aux éditions de L’Harmattan, le livre Autour de l’esthétique expérimentale et nous serons accompagné pendant une heure par Loïc Bertrand qui a soutenu une thèse à l’Université Paris-Diderot dans laquelle il fait une archéologie des arts sonores.

Avec la participation d’Omer Corlaix.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #99 – Oeuvrer

Depuis six mois, je passais des heures entières chaque jour à « essayer » des pseudonymes, je les calligraphiais à l’encre rouge dans un cahier spécial. Ce matin même, j’avais fixé mon choix sur « Hubert de la Vallée », mais une demi-heure plus tard, je cédais au charme nostalgique de « Romain de Roncevaux ». Mon vrai prénom, Romain, me paraissait assez satisfaisant. Malheureusement, il y avait déjà Romain Rolland et je n’étais disposé à partager ma gloire avec personne. Tout cela était bien difficile. L’ennui, avec un pseudonyme, c’est qu’il ne peut jamais exprimer tout ce que vous sentez en vous. J’en arrivais presque à conclure qu’un pseudonyme ne suffisait pas, comme moyen d’expression littéraire, et qu’il fallait encore écrire des livres.

Romain Gary semble avoir projeté dans sa vie d’artiste l’opportunité d’une vie résolue, voire absolue ou bien intégralement auto-décisive, avec la contrainte peut-être impossible qu’elle soit même pleine et entière. Depuis quelques mois, le comédien Robin Renucci et le pianiste Nicolas Stavy tournent un spectacle où des textes de Paul Valéry, Romain Gary, Arthur Rimbaud, Marcel Proust réunis autour de l’enfance à l’œuvre viennent en dialogue avec pièces musicales plus ou moins gauches et essentielles. Le pianiste Nicolas Stavy et le comédien Robin Renucci sont les invités de ce 99è numéro de Métaclassique.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #98 – Synchroniser

Des héros de cartoons qui jouent une partition virtuose de Franz Liszt, ce sont autant d’occasions d’enchaîner les gags les uns après les autres, de dessiner un relief dans la partition, relever certains rebonds pathétiques comme des occasions de chasser une souris qui se baladerait sur le piano : bref, de tendre et détendre les humeurs musicales en synchronisant une somme d’événements qui ne s’enchaîneraient sans doute pas si vivement sans la vitalité pianistique qu’ils tapissent. Dit comme ça, le point commun avec la musique de cirque est frappant : quand l’orchestre et le déroulement du spectacle s’emboîtent si bien que l’un se synchronise avec l’autre jusqu’à ne pas savoir lequel précède. La musique et la trame narrative s’activent alors comme les deux moteurs enchevêtrés d’une même dynamique à la fois virtuose et comique. Pour croiser les perspectives entre la musique classique qui inspire des synchronisations millimétrées dans les cartoons et la musique du cirque, nous recevons deux musicologues Philippe Gonin, dont deux études sur la musique dans les cartoons sont accessibles via la page de l’émission sur Metaclassique.com et Marc-Antoine Boutin qui prépare une thèse sur al musique de cirque aux Université de Montréal et de Paris-Sorbonne

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Lien vers les deux études de Philippe Gonin évoquées dans l’émission :
La 2è Rhapsodie Hongroise de Liszt et le cartoon
Emprunts, citations et pastiches dans les musiques des cartoons américains : une acculturation culturelle ?

Metaclassique #97 – Chansonner

Écoutée depuis les rangs des écoles de musique et des conservatoires, la chanson sonne comme un objet à part : comme si des études musicales bien menées ne pouvaient conduire à une vie de chanteur. Comme l’histoire de la musique voit défiler tout un tas de rencontres entre les chansons et ledit grand répertoire, toutes ne sont pas forcément des tentatives de réconciliation. Autrement dit, tout le monde n’a pas toujours pensé qu’il y avait eu un divorce entre la chanson réputée populaire et la musique estampillée savante. Et là où personne ne semble vouloir que les catégories restent aussi grossières, là où personne ne peut se réjouir de débats d’étiquettes, c’est encore dans l’idée que la chanson et la musique écrite se sont disjointes qu’elles continuent à se tourner l’une autour de l’autre comme deux entités de temps en temps amoureuses l’une de l’autre, c’est-à-dire, l’amour pour preuve, deux entités séparées. Le musicologue Étienne Kippelen a fait paraître aux Presses Universitaires de Provence, Chanson française et musique contemporaine, un ouvrage dans lequel il examine les allers et venues entre deux territoires musicaux qui, quand ils s’investissent l’un l’autre semblent respecter les frontières assez soigneusement pour tirer profit des droits de douane. Étienne Kippelen il est l’invité unique de ce numéro de Metaclassique.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Metaclassique #96 – Striduler

D’où vient que les cigales se trouvent idéalisées comme des musiciennes ? Pourquoi les papillons, alors qu’ils ne font pratiquement pas de bruit, ont-ils inspirés les compositeurs peut-être même plus que les abeilles ? À considérer l’ensemble des émissions sonores de tous les insectes, comment des créatures si petites en taille par rapport à nous, arrivent à produire des sons audibles à l’oreille humaine ? Est-ce par la seule différence de taille que nous leur manquons de respect, au point de les exécuter d’un rien ? Alors que les insectes sont promis à survivre à l’humanité, est-ce encore parce qu’ils excitent notre condescendance qu’au moment de les mettre en musique, on s’amuse à les ridiculiser ? Mais, eux : quand ils s’envoient des sons les uns aux autres, est-ce toujours pour communiquer ou est-ce que ça peut aussi être pour jouer ? Est-ce à dire qu’ils pourraient même être complices de nos musiques humaines dans lesquelles, justement, on joue à se moquer d’eux ?

Pour répondre à toutes ces questions, Benjamin Lassauzet et Alain Montandon de l’Université de Clermont-Ferrand ont organisé une pleine journée d’étude sur « Les insectes et la musique », dans laquelle s’exprimaient des musicologues comme Marie-Hortense Lacroix, Bertrand Porot et Camille Béra, mais aussi des compositeurs – Alain Louvier et François-Bernard Mâche – qui ont investi les figures et les sons des insectes dans leurs compositions, mais encore : des scientifiques spécialistes Fanny Rybak et Lionel Feugère. Les uns en présentiel, les autres en distanciel, les dix intervenants ont tous accepté que leur présentation soit enregistrée et se trouve condensée pour ce numéro de Metaclassique.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

https://celis.uca.fr/production-scientifique/publications/ouvrages-collectifs/2022/les-insectes-et-la-musique

Métaclassique #95 – Décoïncider

Il y a des musiques qui ne semblent pas tout à fait épanouies, mais qui semblent trouver dans leur aboutissement très relatif une grâce irremplaçable. Il y a aussi des musiques qui, dans leur confection, ont pris tant de détours que c’est en évitant leur finalité de départ qu’elles ont trouvé une facture bien spéciale. Il y a même des musiques qui font exprès de ne pas chercher d’issue volontaire pour mieux sortir des cheminements trop planifiés. Pour aborder toutes ces musiques, il faut mobiliser des termes éloignés des habitudes de pensée occidentales. On ne dira pas qu’elles sont claires ou limpides, on les entendra plutôt comme vagues, évasives, voire fades ou évidées. Autant de termes auxquels le philosophe François Jullien a donné une profondeur porteuse dans un vis-à-vis entre la pensée philosophique héritée de la Grèce antique et la pensée de la tradition chinoise. La profondeur induite par ces vis-à-vis est si porteuse qu’elle nourrit le travail de musiciens et qu’elle nous a donné envie d’organiser un vis-à-vis entre le philosophe, François Jullien, et deux compositeurs portés par sa pensée : Claude Ledoux et Aurélien Dumont.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #94 – Eloigner

Sur la partition, la plupart du temps, les compositeurs précisent quels instruments doivent jouer tel ou tel partie. Ce faisant, ils règlent le paramètre du timbre. Ils indiquent aussi la hauteur et la durée que chaque son devra avoir. Et puis, ils donnent des indications de nuance, pour affecter à chaque note ou à chaque phrase, un volume qui peut aller de pianissimo à fortissimo en passant par toutes sortes de paliers. Timbre, hauteur, durée et volume sont les quatre paramètres du son couramment cités. Mais il y a un cinquième paramètre, moins systématiquement relevé : l’espace ou, pour le dire dynamiquement, la direction du son. Au fil des précédents numéros de Métaclassique, on a souvent eu l’occasion de faire entendre comme les paramètres peuvent se renforcer les uns les autres : on va pouvoir chercher aujourd’hui comment les effets d’éloignement peuvent être installés par l’espacement des musiciens, mais aussi nourris par des contrastes de nuance ou même des jeux harmoniques. Pour commenter l’éloignement musical, nous recevons deux invités : Muriel Joubert qui est professeur agrégé au département Musique et Musicologie de l’Université Lumière Lyon 2 et François-Xavier Féron, chargé de recherche au CNRS travaille au sein du laboratoire STMS (Sciences et Technologies de la Musique et du Son) de l’Ircam. Il a consacré sa thèse de doctorat aux illusions auditives et s’intéresse plu généralement à l’impact de l’acoustique et de la psychoacoustique sur les pratiques musicales contemporaines.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #93 – Revenir

Tout en lui reconnaissant quelques similitudes avec les grandes questions existentielles, on pourra entendre dire de l’épanouissement musical qu’il consiste à savoir se renouveler, mais encore qu’il n’ira jamais très loin sans entretenir une certaine fidélité à soi-même. Et s’il n’y a pas plus important, pour qui fait de la musique de temps en temps ou toute sa vie, d’y investir des choses spécialement décisives, c’est donc par là qu’il devrait convenir d’interroger les  créateurs, dans ce qui se tisse d’un projet musical à un autre. Cela supposerait de sortir de la logique propre de tel ou tel opus pour se donner une chance de toucher à ce qui compte. Cela demanderait un renversement des habitudes journalistiques : au lieu d’interroger les artistes sur leur actualité, sur leur projet du moment, il faudrait organiser les choses pour leur permettre de déplier ce qui traverse les différentes étapes de leur parcours, ce qui se faufile dans leurs œuvres au fil des années. C’est exactement avec cette intention que ce numéro de Métaclassique accueille une invitée unique, la compositrice Violeta Cruz, mais à deux moments bien distants dans le temps. Après l’avoir interrogée une première fois il y a une dizaine d’années, nous l’invitons à revenir sur ce qu’elle avait dit à l’époque et qui serait susceptible de tenir encore dix ans plus tard.

Avec la participation d’Omer Corlaix.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #92 – Emballer

De l’histoire impressionnante d’une jeune pianiste hors du commun à la success story d’un virtuose dont le parcours est incroyable, les exercices d’admiration se focalisent sur les destins et les histoires avec superlatifs intégrés quelquefois plus que sur la beauté de l’art et les plaisirs de la musique. Et quand les commentaires sur la vie des musiciens sont pris dans une telle surenchère narrative, il n’est même plus toujours question de musique, le bal des destins exceptionnels finit par obstruer l’essentiel. Mais si la compétition des histoires extraordinaires doit commander le nouvel ordre artistique, comment en vouloir à ceux qui jouent le jeu pour essayer d’y survivre ? Quand, par exemple, un poète collabore avec un compositeur avec la ferme intention de monter en épingle un scandale, le récit des événements peut à son tour devenir stratégique et, par suite, basculer dans le storytelling, à moins qu’il ne cherche à le perturber. Pour faire entendre comment l’artiste devient l’emballage d’un art plus ou moins critique sur l’ère de l’emballage, nous avons organisé une rencontre entre Pierre Brévignon, qui vient de faire paraître Le Groupe des six aux Éditions Actes Sud et Christian Salmon, l’auteur de l’essai Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits aux Éditions La Découverte. 

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #91 – Ensorceller

On sait – à moins qu’on ne fasse que supposer – que les sorcières chantaient, suivaient un certain refrain, un certain rythme. Mais de là à parler d’une musique sorcière, même si c’est pour dire qu’on ne sait pas à quoi elle peut exactement ressembler, ce serait peut-être déjà aller trop loin. Dans Musique sorcière d’une certaineMeri Franco Léo, on pouvait lire en 1976 : « La musique des sorcières faisait partie d’un tout, d’une cosmogonie, et elle a subi la même répression que leur médecine, leur astrologie, et leurs savoirs. » Et c’est certainement par l’histoire de leur répression que l’histoire des sorcières est la mieux renseignée. Et pour cause : Si on n’a peut-être jamais vu en vrai une sorcière voler sur un balai, on a pourtant bien instruit des procès en sorcellerie contre des femmes auxquelles on a reproché, pour de vrai, de voler sur un balai. Pour démêler, tout en les croisant, les procès en sorcellerie du Moyen-Âge et les activités musicales de l’époque, nous recevons deux médiévistes : l’historien Maxime Perbellini qui termine à l’EHESS à Parais et à l’Université Libre de Bruxelles, une thèse sur les sorcières au Moyen-Âge et la musicologue Isabelle Ragnard qui enseigne à l’Université Paris-Sorbonne et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

Avec la participation d’Omer Corlaix.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.

Métaclassique #90 – Attendre

Quand la musique commence une phrase, l’auditeur peut très vite imaginer comment elle va continuer. À ce moment-là, il y a au moins deux types d’auditeurs : ceux qui se réjouissent du réconfort éprouvé à l’écoute d’une phrase qui se poursuit comme son commencement laissait prévoir qu’elle se poursuive et ceux qui s’agacent de l’ennui provoqué par un déroulement si prévisible. Mais les choses ne sont pas aussi manichéennes, puisqu’il y a donc au moins deux types de compositeurs : ceux qui comptent sur le plaisir certain qu’ils fourniront aux auditeurs auxquels ils offrent ce qu’ils annoncent qu’ils leur font attendre et ceux qui mettent une part d’imprévu pour mêler dans leur musique un mélange d’inattendu et de surprenant. Mais au-delà même des humeurs des auditeurs et des dispositions psychologiques de celles et ceux qui écrivent la musique, il en va d’une question de langage : quelles sont les manières de fabriquer une mélodie qui laissent plus ou moins grande prise aux attentes mélodiques ? Y a-t-il des formes musicales plus faciles à anticiper ? Si oui, que peut-on déduire sur le compte de celles et ceux qui les préfèrent ? Pour répondre à ces questions, nous allons plonger dans les sciences cognitives, avec deux chercheurs du Laboratoire des systèmes perceptifs de l’ENS d’Ulm à Paris : Jackson Graves et Guilhem Marion.

Une émission produite et réalisée par David Christoffel.